GEERTS, Nadia
Voile dans l’enseignement supérieur : un pas en avant, trois pas en arrière -
Blog du 16 janvier 2021
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La Cour Constitutionnelle, saisie par plusieurs jeunes femmes de confession musulmane qui s’estimaient discriminées par l’interdiction du port du voile dans une Haute École de la Ville de Bruxelles, avait conclu que l’instance compétente pour un établissement d’enseignement – à savoir son pouvoir organisateur – était la mieux placée pour juger s’il fallait ou non interdire les signes convictionnels, dans le but de répondre au besoin social impérieux de mettre en œuvre la neutralité sous-tendue par le projet pédagogique, et qu’en tout état de cause cette interdiction n’était pas incompatible avec la conception constitutionnelle de ladite neutralité, ni contraire à la liberté de religion ou à la liberté d’enseignement.
Le soulagement aura pourtant été de courte durée : voilà en effet que WBE annonce sa décision d’autoriser dorénavant le voile dans toutes les Hautes Écoles qui relèvent de sa compétence. Désormais, c’est l’interdiction qui sera l’exception, et le fait de se destiner à la profession d’enseignant ne fait manifestement pas partie des exceptions... Nous aurons donc dès demain, dans nos classes, à enseigner le métier d’enseignant à des jeunes femmes qui porteront sur elles le signe de leur soumission à la loi religieuse.
Une décision que l’administrateur général de WBE, Julien Nicaise, justifie ainsi : « L’intérêt général doit primer. Nous ne pouvons plus refuser ces jeunes femmes sous prétexte qu’elles portent un voile, les empêcher de faire des études. Un diplôme, c’est leur passeport pour une inclusion par l’emploi ».
L’inclusion par l’emploi, parlons-en…
Car de deux choses l’une en effet : soit ces jeunes femmes comprendront, toutes voilées qu’elles sont, que le métier d’enseignant exige le respect du principe de neutralité, qui interdit aux enseignants de « témoigner de leur préférence pour un système religieux »[2], et qu’elles devront donc de toute évidence ôter leur voile lorsqu’elles seront devant leurs élèves, mais aussi lors de leurs stages. Mais alors, elles témoigneront par là-même qu’elles sont capables de retirer leur voile lorsque les circonstances l’imposent, et l’autorisation qui leur est faite de le garder à l’école ne sera d’aucune utilité : elles auraient tout aussi bien pu accéder aux études supérieures sans leur voile.
Soit ces jeunes femmes estiment que porter le voile est une obligation religieuse majeure, à laquelle rien ne saurait légitimement faire obstacle. Et dans ce cas, nous nous préparons des lendemains qui (dé)chantent : elles demanderont bientôt à pouvoir faire leurs stages dans des écoles qui autorisent le port du voile à leurs enseignantes - et il en existe en Belgique, à commencer par les écoles confessionnelles islamiques. Pourra-t-on le leur refuser sans que l’on nous objecte, une fois de plus, que leur diplôme, « c’est leur passeport pour une inclusion par l’emploi » ?
Et l’étape suivante, comment ne pas la voir ? Toujours au nom de l’inclusion par l’emploi, il sera demain évident qu’on ne saurait empêcher une jeune femme diplômée - et donc « compétente » - de devenir enseignante sous le fallacieux prétexte qu’elle porte un « foulard ».
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