FRANCE, Marie de


Ni vous sans moi

D'eux deux il en fut ainsi
Comme il en est du chèvrefeuille
Qui au coudrier se prend:
Quand il s'est enlacé et pris
Et tout autour du fût s'est mis,
Ensemble ils peuvent bien durer;
Qui les veut ensuite désunir
Fait tôt le coudrier mourir
Et le chèvrefeuille avec lui.
- Belle amie, ainsi est de nous:
Ni vous sans moi, ni moi sans vous.


Le corbeau et le goupil

Il advint, la chose est bien possible,

qu'un corbeau vola

devant la fenêtre

d'un garde-manger ; il aperçut

des fromages qui étaient à l'intérieur,

posés sur une claie.

Il en prit un, et s'enfuit avec.

Un goupil passait, qui l'épia ;

il eut grand désir

de manger sa part du fromage.

Il voudra essayer par ruse

d'enjôler le corbeau.

« Ah ! seigneur Dieu, fait-il,

comme cet oiseau est gentil !

Il n'y a au monde tel oiseau,

de mes yeux je n'en vis plus beau.

Si son chant était comme son corps,

il vaudrait mieux qu'or fin. »

Le corbeau s'entendit si bien vanter

qu'il n'y avait son pareil au monde,

qu'il résolut de chanter.

en chantant il ne perdra rien à sa renommée.

Il ouvrit le bec et commença :

le fromage lui échappa

et ne put faire autrement que tomber à terre.

Le goupil s'empresse de le saisir.

Après il n'avait cure du chant du corbeau,

car il avait satisfait son envie du fromage.

Cet exemple s'applique aux orgueilleux

qui convoitent grande renommée.

par flatteries et par mensonges

on peut les servir à leur gré ;

ils dépensent follement ce qu'ils ont

pour être loués des gens.