TZARA, Tristan
Vide matelas
Vide matelas
pour ne pas dormir
ni rire ni rêver
le froid aux entrailles
le fer dans la neige
brûlant dans la gorge
qu’avez-vous fait qu’avez-vous fait
des mains chaudes de tendresse
avez-vous perdu le ciel
dans la tête par le monde
dans la pierre dans le vent
l’amitié et le sourire
comme les chiens à l’abandon
comme des chiens
Mouvement
gargarisme astronomique
vibre vibre vibre vibre dans la gorge métallique des hauteurs
ton âme est verte est météorologique empereur
et mes oreilles sont des torches végétales
écoute écoute écoute j’avale mbampou et ta bonne volonté
prends danse entends viens tourne bois vire ouhou ouhou ouhou
faucon faucon de tes propres images amères
mel o mon ami tu me soulèves le matin à panama
que je sois dieu sans importance ou colibri
ou bien le phoetus de ma servante en souffrance
ou bien tailleur explosion couleur loutre
robe de cascade circulaire chevelure intérieure lettre qu’on reçoit à l’hôpital longue très longue lettre quand tu
peignes consciencieusement tes intestins ta chevelure intérieure
tu es pour moi insignifiant comme un faux-passeport
les ramoneurs sons bleus à midi aboiement de ma dernière clarté se précipite dans le gouffre de médicaments
verdis ma chère mon parapluie
tes yeux sont clos les poumons aussi
de jet-d’eau on entend le pipi
les ramoneurs
Et que le hibou marche
et que le hibou marche et que la nuit tresse
et que la nuit marche sur le pied de l’étang
et que le rocher tressé de hiboux dresse sa tente
que le froid vienne de nus boas couvrir la paix de la colombe
là-haut où tout n’est que pierre
où l’herbe durcit où les doigts se fanent
où le héron craint le flot où son ombre grésille
où les bijoux tombent et les lèvres du glacier vacillent
où le fœtus creuse récria dans une lampe mandibule
où le souvenir secoue le vent des victoires sur le deck
où l’on écrase la cote pelure du temps
où l’ouïe se voile d’orient d’autrefois et de fatalité
sur les mouvantes vanités des distances de cristal
là-haut tout n’est que pierre indéfiniment
et dans l'alambic des jeux où nous versons les larmes et là-haut tout n'est que pierre `
l'alarme celle qui sonne une seule fois sonne tirée du haut d'une larme au hauban
suspendue au gosier crachat du vent lente à ne pas pouvoir dormir
déchirée du soleil visitée des soleils lourde à la mer
Pièges en herbe II
une larme s’avance vers le bord de la parole
tant est plein l’indicible de ta lente audace
sur les montagnes s’accumule l’ivresse
des larges tournoiements embrasés de rumeurs
les villes se sont éteintes là-bas
les vents ont chassé l’injuste douleur
et sur les départs sans bornes les pierres figées
ont dressé les temps provisoires sous la tente
les feuilles se suivront dans l’ombre turbulente
et les femmes aimées au cœur de brousses
porteront leur sourire aux nouveaux venus
et leur tardive adolescence aux combles des neig
Pièges en herbe IV
j’ai éteint mon amour sur le sentier de la terre
froid devenir de ce bruit qui me cuit
je te fuis invincible charme sous le signe du joug
charmeuse de folies aux marées de douleurs
mémoire suivie de tant d’âpres légendes
vitreuse conscience que brûle le diamant
sur les traces éperdues de mes désirs de chaos
chasseur de nuits givrées ou troubles confiances
d’heure en heure plus serrées aux terres profondes
de sommeil que découvrent les réveils de glace
et sans regret, des chairs fondues en larmes sombres
fuir l’onde rayonnante et le repos de fer
fuir les yeux aux doux rappels de cendre
les mains perdues qui s’offrent aux voluptés
des chevelures maîtrisées par les regards patients
les mains de soleil — ainsi s’en va-t-il
que le froid le guette
sans âge aux détours des vergers
où le sort s’engouffre — ainsi s’en va-t-il
à sortir des plantes aventureuses les rumeurs de vie
Pièges en herbe V
le visage penché de la belle chercheuse
se reflète dans la flamme où vécut la splendeur
des ferventes attaches et des sorts enlacés
aux enfances des rafales par nos cris mis à nu
depuis qu’en nos nuits les maisons ont vieilli
dans les parcs desséchés dans les feuilles de braise
dans l’essaim des perpétuels souvenirs
ont pâli les pétales des paroles de brise
une autre jeunesse est montée
au dégel des gestes
la tendresse d’un jeu plus profond
à regagner toutes les cendres au doute de l’été
La grande complainte de mon obscurité I
froid tourbillon zigzag de sang
je suis sans âme cascade sans amis et sans talents seigneur
je ne reçois pas régulièrement les lettres de ma mère qui doivent passer par la russie par la norvège et par l'angleterre
les souvenirs en spirales rouges brûlent le cerveau sur les marches de l'amphithéâtre
et comme une réclame lumineuse de mon âme malheur jailli de la sphère
tour de lumière la roue féconde des fourmis bleues
nimbe sécheresse suraiguë des douleurs
viens près de moi que la prière ne te gêne pas elle descend dans la terre comme les scaphandres qu'on inventera
alors l'obscurité de fer en vin et sel changera
simplicité paratonnerre de nos plantes prenez garde
les paratonnerres qui se groupent en araignée
ainsi je deviens la couronne d'un christ énorme
pays sans forme arc voltaïque
les aigles de neige viendront nourrir le rocher
où l’argile profonde changera en lait
et le lait troublera la nuit les chaînes sonneront
la pluie composera des chaînes
lourdes
formera dans l’espace des roues des rayons
le sceptre au milieu parmi les branches
les vieux journaux les tapisseries un paralitique
nimbe sécheresse
roue féconde des fourmis bleues seigneur doigt d’or fourneau sphingerie
pourquoi l’étrangler pourquoi
après le coup de foudre la marche militaire éclatera
mon désespoir tube en fer d’étain mais pourquoi pourquoi alors?
ainsi ainsi toujours mais le chemin
tu dois être ma pluie mon obscurité mon métal mon circuit ma pharmacie nu mai plânge nu mai plânge veux-tu
La grande complainte de mon obscurité II
regarde mes cheveux ont poussé les ressorts du cerveau sont des lézards jaunis qui se liquéfient parfois
le pendu
troué
arbre
le soldat
dans les régions boueuses où les oiseaux se collent en silence chevalier astral
tapisseries fanées
acide qui ne brule pas à la manière des panthères dans les cages le jet-d’eau s’échappe et monte vers les autres couleurs
tremblements
souffrance ma fille du rien bleu et lointain
ma tête est vide come une armoire d’hôtel
dis-moi lentement les poissons des humbles tremblent et se cassent
quand veux-tu partir
le sable
passe-port
désir
et le pont rompre à tièrce résistance
l’espace
policiers
l’empereur
lourd
sable
quelle meuble quelle lampe inventer pour ton âme
septembre de papier gaz
dans l’imprimerie
je t’aime les citrons qui gonflent sur la glace nous séparent ma mère mes veines le long du seigneur
ma mère
ma mère ma mère tu attends dans la neige amassée électricité
fabuleux
discipline
les feuilles se groupent en constructions d’ailes nous tranquillisent sur une île et monte comme l’ordre des archanges
feu blanc
Pour faire un poème dadaïste
Prenez un journal.
Prenez des ciseaux.
Choisissez dans ce
journal un article
ayant la longueur
que vous comptez
donner à votre poème.
Découpez l’article.
Découpez ensuite avec soin chacun des
mots qui forment cet article et mettez-les
dans un sac.
Agitez doucement.
Sortez
ensuite chaque coupure l’une après l’autre.
Copiez consciencieusement
dans l’ordre où elles ont quitté le sac.
Le poème vous ressemblera.
Et vous voilà un écrivain infiniment original
et d’une sensibilité charmante, encore qu’incomprise
du vulgaire.