CAREME, Maurice


Tu mets du soleil

Tu mets du soleil dans mon ombre,

Des oiseaux dans mes peupliers.

Ah ! qu’ai-je fait donc en ce monde

Pour mériter tant de bonté !

Ainsi, il m’a suffi de naître

Et de rester ce que je suis

Pour te voir un jour apparaître

Comme une étoile sur ma vie.

Tout est devenu facile !

Je marche et je t’entends marcher

Devant moi, rieuse et tranquille.

Et il m’arrive d’hésiter,

Il me semble soudain que Dieu

Me sourit dans tes yeux.


Trois enfants


Il ne reste plus sur la plage

Que trois enfants dans leur lainage:


Le vert veut que tienne en son seau

Toute la mer et ses bateaux;


Le jaune essaie de mettre en tas

Tout le sable aussi loin qu’on voit;


Le bleu, à chaque coup de pelle

Ne ramasse rien que du ciel.


Lorsque je passe, ils me regardent

Ingénument sans prendre garde


À mon air un peu étonné

De les voir ainsi s’acharner.


Seuls, sur l’immense plage ronde,

Trois enfants blonds refont le monde.



Au Cirque

Ah ! Si le clown était venu !

Il aurait bien ri, mardi soir :

Un magicien en cape noire

A tiré d'un petit mouchoir

Un lapin, puis une tortue

Et, après, un joli canard.

Puis il les a fait parler

En chinois, en grec, en tartare.

Mais le clown était enrhumé :

Auguste était bien ennuyé.

Il dut faire l'équilibriste

Tous seul sur un tonneau percé.

C'est pourquoi je l'ai dessiné

Avec des yeux tout ronds, tout tristes

Et de grosses larmes qui glissent

Sur son visage enfariné.