MITTERRAND, François
Déclaration de candidature à la présidentielle
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Henri Sannier
Monsieur le Président, bonsoir, et merci d’avoir accepté l’invitation de la rédaction d’Antenne 2, ma première question est simple et directe à la fois, vous allez le voir. Quelque chose me dit d’ailleurs que je serai le dernier journaliste de France et de Navarre à vous poser cette question : Monsieur le Président, êtes-vous à nouveau candidat à la Présidence de la République ?
François Mitterrand
Oui.
Paul Amar
Vous avez mûrement réfléchi ?
François Mitterrand
Je le crois.
Henri Sannier
On peut savoir quand vous avez pris cette décision, certains disent c’est en juillet 87, d’autres disent c’est pendant les fêtes de fin d’année.
François Mitterrand
Je n’en sais rien moi-même.
Paul Amar
Au fond, pourquoi briguez-vous un second mandat, Monsieur le Président, j’allais dire, Monsieur le candidat ?
François Mitterrand
Vous savez, depuis déjà, quelques mois, j’ai beaucoup écouté les discours des uns et des autres et dans tout ce bruit, j’aperçois un risque pour le pays de retomber dans les querelles et les divisions qui, si souvent, l’ont miné. Eh bien, je veux que la France soit unie, et elle ne le sera pas si elle est prise en main par des esprits intolérants, par des partis qui veulent tout, par des clans, ou par des bandes. Elle ne sera pas non plus, et sur le premier point, j’insiste, car il faut la paix civile à la France, si on veut qu’elle soit prête à aborder le temps qui vient.
Paul Amar
Monsieur Mitterrand, très franchement, ce sont là les circonstances exceptionnelles dont vous avez parlé ?
François Mitterrand
Je n’ai pas terminé sur ce point, je ne ferai pas un long discours, ayez la patience de m’entendre. J’ai dit que la France ne sera pas unie non plus, si des intérêts particuliers, égoïstes par nature, exercent leur domination sur le pays, au risque de déchirer le tissu social, d’empêcher la cohésion sociale qui correspond à la cohésion nationale nécessaire. Alors, je dis, il faut la paix sociale, il faut la paix civile, il faut la paix sociale. Alors, vous m’avez posé la question en m'interrompant...
Paul Amar
Vous avez dit, vous avez dit un jour, "je ne me présenterais qu’en cas de circonstances exceptionnelles".
François Mitterrand
Oui...
Paul Amar
Apparemment, vous venez de donner une définition...
François Mitterrand
Oui...
Paul Amar
Honnêtement, Monsieur le Président, la démocratie n’est pas menacée, le pays est en paix...
François Mitterrand
Il faut toujours prendre des précautions. Tout ce que j’ai vu, je viens de vous le dire, mérite la plus extrême attention. Alors, les circonstances internes, exceptionnelles, ne sont pas d’ordre spécialement international aujourd’hui, bien qu’on aura l’occasion d’en parler d’autres fois... Par un concours de circonstances, qu’on appellera, si vous voulez, exceptionnel, que je n’attendais pas, que je ne désirais pas, et bien oui, il m’est apparu, et pas à moi seul, que j’étais en mesure de faire front pour éviter ces germes de division dont je viens de parler.
Paul Amar
À qui faites-vous allusion, Monsieur Mitterrand ?
François Mitterrand
Eh bien, je crois, j’ai fait allusion tout à l’heure d'une façon très claire…
Paul Amar
À vos adversaires ?
François Mitterrand
Aux partis, aux groupes, aux factions dont l’intolérance éclate tous les soirs dans les propos qu’ils tiennent.
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