DAUGUET, Marie


L’amant

Tu es la vigueur du soleil

Et ta sève embaume.

Elle est un ruisseau de mai sous l'aubépine,

Plus douce que la fleur du sureau.

Tu te dresses et tu es la force de la forêt!

Tes reins blessent mes mains nouées,

Tu es rude comme un chêne.

Je t'ai baisé comme un rouge-gorge dans ma main,

J'aime la tiédeur de ton corps dans ma main.

Je me rassasie de ton odeur sauvage;

Tu sens les bois et les marécages

Tu es beau comme un loup,

Tu jaillis comme un hêtre

Dont l'énergie gonfle l'écorce.

... Le nœud de tes épaules est dur sous les mains;

L'axe du monde est dans ta chair.

... Mais je louerai ton cri sauvage,

Mais je louerai ton corps qui embaume,

C'est un bois sauvage aux rudes fleurs.

Je louerai ta brutalité,

Le sanglot rauque de ta chair;

Je louerai ta sève immense

Où l'univers est en puissance.

Je louerai tes poings et comment ils se dénouent

Tout à coup quand tu retombes

Au creux d'une épaule,

Plus doux qu'un petit enfant

Et plus innocent qu'un ange.



Printemps


De lointaines tiédeurs, errantes mains, caressent,

Moiteur de peau sortant des troncs velus que pressent

Le lierre et les lichens. La volupté confond


Les bras humains avec la courbure assouplie

Des bouleaux étirant leur geste qui supplie;

Et mon désir comprend, frémit et leur répond.


C’est l’amour qui m’enlace et c’est lui qui m’enfièvre

A travers le vent chaud dont m’étouffe la lèvre;

Je lui ouvre ma chair qui veut et qui consent.


La force que j’adore, en la brise aromale

Flotte indiciblement; la sève triomphale

Dans un suprême élan vient se mêler au sang.



Campanule

…..
Je suis le vent qui roule, et je m’entends bruire
Parmi le vol agile et bleu des libellules ;

Au visage des eaux, j’ai vu mes yeux reluire

Et mon sang a teinté les roses campanules,


Pendant que de la sève en moi se coagule.

Je parle avec l’écho et vogue à l’unisson

Des traînantes rumeurs que le bois dissimule,

Et je m’épanouis aux primes floraisons.