LEBEL , Sylvain



Ma Derniere Volonte


Moi qui ai vécu sans scrupules

Je devrais mourir sans remords

J'ai fait mon plein de crépuscules

Je devrais pas crier "encore"

Moi le païen, le pauvre diable

Qui prenait Satan pour un Bleu

Je rends mon âme la tête basse

La mort me tire par les cheveux


Vivre, vivre

Même sans soleil, même sans été

Vivre, vivre

C'est ma dernière volonté


Dites-moi que le Bon Dieu existe

Qu'il a une barbe et des mains

Que Saint-Pierre est le brave type

Qu'on m'a décrit dans les bouquins

Dites-moi que les anges ont des ailes

Dites-moi que les poules ont des dents

Que je jouerai du violoncelle

Là-haut dans mon costume blanc


Vivre, vivre

Même sans maison, même sans souliers

Vivre, vivre

C'est ma dernière volonté

J'avais le blasphème facile

Et j'entends d'ici mes copains

Crier "le traître, l'imbécile

Il meurt comme un vulgaire chrétien"

Qu'ils m'excusent si je suis lâche

Je veux bien rire autant qu'on veut

Mais quand on se trouve à ma place

On prend quand même un coup de vieux


Vivre, vivre

Même bancal, même à moitié

Vivre, vivre

C'est ma dernière volonté


Je vois de la lumière noire

C'est ce qu'a dit le père Hugo

Moi qui ne pense pas à l'histoire

Je manque d'esprit d'à-propos

Non, je n'ai vraiment plus la force

De faire un dernier jeu de mots

Je sors par la petite porte

J'ai le trouillomètre à zéro


Vivre, vivre

Quand faut y aller, il faut y aller

Vivre, vivre

Monsieur Saint-Pierre, la charité


Vivre, vivre

En plein soleil, en plein été

Vivre, vivre

C'est ma dernière volonté


Vivre, vivre, vivre, vivre

Vivre, vivre, vivre

Vivre, vivre, vivre, vivre



Le géant de papier


Demandez-moi de combattre le diable

D'aller défier les dragons du néant

De vous construire des tours, des cathédrales

Sur des sables mouvants

Demandez-moi de briser les montagnes

D'aller plonger dans la gueule des volcans

Tout me paraît réalisable, et pourtant


Quand je la regarde, moi l'homme loup au coeur d'acier

Devant son corps de femme, je suis un géant de papier

Quand je la caresse et que j'ai peur de l'éveiller

De toute ma tendresse, je suis un géant de papier


Demandez-moi de réduire en poussière

Cette planète où un dieu se perdrait

Elle est pour moi comme une fourmilière

Qu'on écrase du pied

Demandez-moi de tuer la lumière

Et d'arrêter ce soir le cours du temps

Tout me paraît réalisable, et pourtant


Quand je la regarde, moi l'homme loup au coeur d'acier

Devant son corps de femme, je suis un géant de papier

Quand je la caresse et que j'ai peur de l'éveiller

De toute ma tendresse, je suis un géant de papier

Quand je la regarde, moi l'homme loup au coeur d'acier

Devant son corps de femme, je suis un géant de papier