DUMAS Alexandre père
Le comte de Monte-Cristo
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Vous repentez-vous, au moins? dit une voix sombre et solennelle, qui fit dresser les cheveux sur la tête de Danglars.
Son regard affaibli essaya de distinguer les objets, et vit derriere le bandit un homme enveloppé d'un manteau et perdu dans l'ombre d'un pilastre de pierre.
- De quoi faut-il que je me repente? balbutia Danglars.
- Du mal que vous avez fait, dit la même voix.
- Oh! oui, je me repens! je me repens! s'écria Danglars.
Et il frappa sa poitrine de son point amaigri.
- Alors je vous pardonne, dit l'homme en jetant son manteau et en faisant un pas pour se placer dans la lumière.
- Le comte de Monte-Cristo! dit Danglars, plus pâle de terreur qu'il ne l'était de faim et de misère.
- Vous vous trompez; je ne suis pas le comte de Monte-Cristo.
- Et qui êtes-vous donc?
- Je suis celui que vous avez vendu, livré, déshonoré; je suis celui dont vous avez prostitué la fiancée; je suis celui sur lequel vous avez marché pour vous hausser jusqu'à la fortune; je suis celui dont vous avez fait mourir le père de faim, qui vous avait condamné à mourir de faim, et qui cependant vous pardonne, parce qu'il a besoin lui même d'être pardonné, je suis Edmond Dantès!
Danglars ne poussa qu'un cri, et tomba prosterné.
- Relevez-vous, dit le comte, vous avez la vie sauve; pareille fortune n'est pas arrivée à vos deux autres complices: l'un est fou, l'autre est mort! Gardez les cinquante mille francs qui vous restent; quant vos cinq millions volé aux hospices, ils leur sont déjà restitués pas une main inconnue. Et maintenant, mangez et buvez; ce soir je vous fais mon hôte. Vampa, quand cet homme sera rassasié, il sera libre.
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Les trois mousquetaires
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On arriva dans le cabinet du procureur après avoir traversé l’antichambre où étaient les clercs, et l’étude où ils auraient dû être : cette dernière chambre était une sorte de salle noire et meublée de paperasses. En sortant de l’étude on laissa la cuisine à droite, et l’on entra dans la salle de réception.
Toutes ces pièces qui se commandaient n’inspirèrent point à Porthos de bonnes idées. Les paroles devaient s’entendre de loin par toutes ces portes ouvertes ; puis, en passant, il avait jeté un regard rapide et investigateur sur la cuisine, et il s’avouait à lui-même, à la honte de la procureuse et à son grand regret, à lui, qu’il n’y avait pas vu ce feu, cette animation, ce mouvement qui, au moment d’un bon repas, règnent ordinairement dans ce sanctuaire de la gourmandise.
Le procureur avait sans doute été prévenu de cette visite, car il ne témoigna aucune surprise à la vue de Porthos, qui s’avança jusqu’à lui d’un air assez dégagé et le salua courtoisement.
- Nous sommes cousins, à ce qu’il paraît, monsieur Porthos ? dit le procureur en se soulevant à la force des bras sur son fauteuil de canne.
Le vieillard, enveloppé dans un grand pourpoint noir où se perdait son corps fluet, était vert et sec ; ses petits yeux gris brillaient comme des escarboucles, et semblaient, avec sa bouche grimaçante, la seule partie de son visage où la vie fût demeurée. Malheureusement les jambes commençaient à refuser le service à toute cette machine osseuse ; depuis cinq ou six mois que cet affaiblissement s’était fait sentir, le digne procureur était à peu près devenu l’esclave de sa femme.
Le cousin fut accepté avec résignation, voilà tout. Maître Coquenard ingambe eût décliné toute parenté avec M. Porthos.
- Oui, monsieur, nous sommes cousins, dit sans se déconcerter Porthos, qui, d’ailleurs, n’avait jamais compté être reçu par le mari avec enthousiasme.
- Par les femmes, je crois ? dit malicieusement le procureur.
Porthos ne sentit point cette raillerie et la prit pour une naïveté dont il rit dans sa grosse moustache. Madame Coquenard, qui savait que le procureur naïf était une variété fort rare dans l’espèce, sourit un peu et rougit beaucoup.
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