HOUELLEBECQ, Michel



Sérotonine

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Elle était contente, me dit-elle, qu'Aymeric reçoive une visite, ils travaillaient trop, ils ne voyaient plus personne, ils s'enterraient alors qu'ils n'avaient pas trente ans. À vrai dire j'étais dans la même situation, à cela près que ma charge de travail n'avait rien d'excessif, et au fond tout le monde était dans la même situation, les années d'études sont les seules années heureuses, les seules années où l'avenir paraît ouvert, où tout paraît possible, la vie d'adulte ensuite, la vie professionnelle n'est qu'un lent et progressif enlisement, c'est même sans doute pour cette raison que les amitiés de jeunesse, celles qu'on noue pendant ses années d'étudiant et qui sont au fond les seules amitiés véritables, ne survivent jamais à l'entrée dans la vie adulte, on évite de revoir ses amis de jeunesse pour éviter d'être confronté aux témoins de ses espérances déçues, à l'évidence de son propre écrasement.

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Anéantir

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L'immense forêt qui s'étendait devant eux n'était pas immobile, une brise légère faisait onduler les feuilles, et ce très léger mouvement était encore plus apaisant que ne l'aurait été une immobilité parfaite, la forêt semblait animée d'une respiration calme, infiniment plus calme que n'importe quelle respiration animale, au-delà de toute agitation comme de tout sentiment, différente pourtant du minéral pur, plus fragile et plus tendre, intermédiaire possible entre la matière et l'homme, elle était la vie dans son essence, la vie paisible, ignorante des combats et des douleurs. Elle n'évoquait pas l'éternité, ce n'était pas la question, mais lorsqu'on se perdait dans sa contemplation la mort paraissait beaucoup moins importante.

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Extension du domaine de la lutte

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Décidément, me disais-je, dans nos sociétés, le sexe représente bel et bien un second système de différenciation, tout à fait indépendant de l’argent ; et il se comporte comme un système de différenciation au moins aussi impitoyable. Les effets de ce deux systèmes sont d’ailleurs strictement équivalents. Tout comme le libéralisme économique sans frein, et pour des raisons analogues, le libéralisme sexuel produit des phénomènes de paupérisation absolue. Certains font l’amour tous les jours ; d’autres cinq ou six fois dans leur vie, ou jamais. Certains font l’amour avec des dizaines de femmes ; d’autres avec aucune. C’est ce qu’on appelle la “ loi du marché ”. Dans un système économique ou le licenciement est prohibé, chacun réussit plus ou moins à trouver sa place. Dans un système sexuel où l’adultère est prohibé, chacun réussit plus ou moins à trouver son compagnon de lit. En système économique parfaitement libéral, certains accumulent des fortunes considérables ; d’autres croupissent dans le chômage et la misère. En système sexuel parfaitement libéral, certains ont une vie érotique variée et excitante ; d’autres sont réduits à la masturbation et à la solitude. Le libéralisme économique, c’est l’extension du domaine de la lutte, son extension à tous les âges de la vie et à toutes les classes de la société. De même, le libéralisme sexuel, c’est l’extension du domaine de la lutte, son extension à tous les âges de la vie et à toutes les classes de la société. Sur la plan économique, Raphaël Tisserand [le collègue ingénieur en informatique] appartient au camp des vainqueurs ; sur le plan sexuel, à celui des vaincus. Certains gagnent sur les deux tableaux ; d’autres perdent sur les deux. Les entreprises se disputent certains jeunes hommes ; les hommes se disputent certaines jeunes femmes ; le trouble et l’agitation sont considérables.

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Tu comprends, j’ai fait mon calcul ; j’ai de quoi me payer une pute par semaine ; le samedi soir, ça serait bien. Je finirai peut-être par le faire. Mais je sais que certains hommes peuvent avoir la même chose gratuitement, et en plus avec de l’amour. Je préfère essayer ; pour l’instant, je préfère encore essayer.

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L'arrivée à Paris, toujours aussi sinistre. Les immeubles lépreux du pont Cardinet, derrière lesquels on imagine immanquablement des retraités agonisant aux côtés de leur chat Poucette qui dévore la moitié de leur pension avec ses croquettes Friskies. Ces espèces de structures métalliques qui se chevauchent jusqu'à l'indécence pour former un réseau de caténaires. Et la publicité qui revient, inévitable, répugnante et bariolée. "Un spectacle gai et changeant sur les murs." Foutaise. Foutaise merdique.

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Sous couvert de reconstruction du moi, les psychanalystes procèdent en réalité à une scandaleuse destruction de l’être humain. Innocence, générosité, pureté... tout cela est rapidement broyé entre leurs mains grossières. Les psychanalystes, grassement rémunérés, prétentieux et stupides, anéantissent définitivement chez leurs soi-disant patientes toute aptitude à l’amour, aussi bien mental que physique; ils se comportent en fait en véritables ennemis de l’humanité. Impitoyable école d’égoïsme, la psychanalyse s’attaque avec le plus grand cynisme à de braves filles un peu paumées pour les transformer en d’ignobles pétasses, d’un égocentrisme délirant, qui ne peuvent plus susciter qu’un légitime dégoût. Il ne faut accorder aucune confiance, en aucun cas, à une femme passée entre les mains des psychanalystes. Mesquinerie, égoïsme, sottise arrogante, absence complète de sens moral, incapacité chronique d’aimer : voilà le portrait exhaustif d’une femme « analysée »

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Quand il revint, il ne dit pas un mot. Il tenait le long couteau dans sa main ; la lame luisait doucement ; je ne distinguais pas de taches de sang à sa surface. Soudainement, je me suis senti un peu triste. Enfin, il parla.

" Quand je suis arrivé, ils étaient entre deux dunes. Il avait déjà enlevé sa robe et son soutien-gorge. Ses seins étaient si beaux, si ronds sous la lune. Puis elle s'est retournée, elle est venue sur lui. Elle a déboutonné son pantalon. Quand elle a commencé à le sucer, je n'ai pas pu le supporter.

Il se tut. J'attendis. Les eaux étaient immobiles comme un lac.

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Le jour de son exécution, Maximilien Robespierre avait la mâchoire cassée. Elle était maintenue par un bandage. Juste avant de poser sa tête sous le couperet le bourreau a arraché son bandage ; Robespierre a poussé un hurlement de douleur, des flots de sang ont jailli de sa plaie, ses dents brisées se sont répandues sur le sol. Puis le bourreau a brandi le bandage à bout de bras, comme un trophée, pour le montrer à la foule massée autour de l'échafaud. Les gens riaient, lançaient des quolibets.

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Les particules élémentaires

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Je ne sers à rien, dit Bruno avec résignation. Je suis incapable d'élever des porcs. Je n'ai aucune notion sur la fabrication des saucisses, des fourchettes ou des téléphones portables. Tous ces objets qui m'entourent, que j'utilise ou que je dévore, je suis incapable de les produire ; je ne suis même pas capable de comprendre leur processus de production. Si l'industrie devait s'arrêter, si les ingénieurs et techniciens spécialisés venaient à disparaître, je serais incapable d'assurer le moindre redémarrage . Placé en dehors du complexe économique-industriel, je ne serais même pas en mesure d'assurer ma propre survie : je ne saurais comment me nourrir, me vêtir, me protéger des intempéries ; mes compétences techniques personnelles sont largement inférieures à celles de l'homme de Néanderthal.

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Marc ressortit ; dans une boutique proche, il acheta un siège pour bébé. Il rédigea un mot bref à l’intention de Janine, remonta dans sa voiture, assujettit l’enfant sur le siège et démarra en direction du Nord. À la hauteur de Valence, il bifurqua sur le Massif central. La nuit tombait. De temps en temps, entre deux virages, il jetait un regard à son fils qui s’assoupissait à l’arrière ; il se sentait envahi par une émotion étrange.

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Pendant plusieurs jours Michel garda la photo à portée de la main, appuyée à sa lampe de chevet. Le temps est un mystère banal, et tout était dans l’ordre, essayait-il de se dire ; le regard s’éteint, la joie et la confiance disparaissent. Allongé sur son matelas Bultex, il s’exerçait sans succès à l’impermanence. Le front de l’enfant était marqué par une petite dépression ronde – cicatrice de varicelle ; cette cicatrice avait traversé les années. Où se trouvait la vérité ? La chaleur de midi emplissait la pièce.

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Il n’avait jamais su où aboutissait ce vide-ordures à l’ouverture exiguë (mais suffisante pour contenir le corps d’un canari). Cependant il rêva de poubelles gigantesques, remplies de filtres à café, de raviolis en sauce et d’organes sexuels tranchés. Des vers géants, aussi gros que l’oiseau, armés de becs, attaquaient son cadavre. Ils arrachaient ses pattes, déchiquetaient ses intestins, crevaient ses globes oculaires. Il se redressa dans la nuit en tremblant ; il était à peine une heure et demie. Il avala trois Xanax. C’est ainsi que se termina sa première soirée de liberté.

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La nuit était tombée ; Michel récupéra le petit animal qui tremblait de froid et de peur, blotti contre la paroi de béton. À plusieurs reprises, généralement en sortant ses poubelles, il croisa de nouveau la rédactrice. Elle hochait la tête, probablement en signe de reconnaissance ; il hochait de son côté. Somme toute, l’incident lui avait permis d’établir une relation de voisinage, en cela, c’était bien.

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Optimisme, générosité, complicité, harmonie font avancer le monde. demain sera féminin.

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La carte et le territoire

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Jeff Koons venait de se lever de son siège, les bras lancés en avant dans un élan d’enthousiasme. Assis en face de lui sur un canapé de cuir blanc partiellement recouvert de soieries, un peu tassé sur lui-même, Damien Hirst semblait sur le point d’émettre une objection ; son visage était rougeaud, morose. Tous deux étaient vêtus d’un costume noir – celui de Koons, à fines rayures – d’une chemise blanche et d’une cravate noire. Entre les deux hommes, sur la table basse, était posée une corbeille de fruits confits à laquelle ni l’un ni l’autre ne prêtait aucune attention ; Hirst buvait une Budweiser Light. Derrière eux, une baie vitrée ouvrait sur un paysage d’immeubles élevés qui formaient un enchevêtrement babylonien de polygones gigantesques, jusqu’aux confins de l’horizon ; la nuit était lumineuse, l’air d’une limpidité absolue. On aurait pu se trouver au Qatar, ou à Dubai; la décoration de la chambre était en réalité inspirée par une photographie publicitaire, tirée d’une publication de luxe allemande, de l’hôtel Emirates d’Abu Dhabi.

Le front de Jeff Koons était légèrement luisant; Jed l’estompa à la brosse, se recula de trois pas. Il y avait décidément un problème avec Koons. Hirst était au fond facile à saisir : on pouvait le faire brutal, cynique, genre ” je chie sur vous du haut de mon fric ” ; on pouvait aussi le faire artiste révolté (mais quand même riche) poursuivant un travail angoissé sur la mort ; il y avait enfin dans son visage quelque chose de sanguin et de lourd, typiquement anglais, qui le rapprochait d’un fan de base d’Arsenal. En somme il y avait différents aspects, mais que l’on pouvait combiner dans le portrait cohérent, représentable, d’un artiste britannique typique de sa génération. Alors que Koons semblait porter en lui quelque chose de double, comme une contradiction insurmontable entre la rouerie ordinaire du technico-commercial et l’exaltation de l’ascète. Cela faisait déjà trois semaines que Jed retouchait l’expression de Koons se levant de son siège, les bras lancés en avant dans un élan d’enthousiasme comme s’il tentait de convaincre Hirst ; c’était aussi difficile que de peindre un pornographe mormon.

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Des effluves de puanteur s'échappaient de la longère, portés par la brise qui agitait doucement les boutons d'or au-dessus de la prairie d'un vert lumineux. Aucun des quatre hommes n'avait réagi à l'arrivée de la voiture.

Il s'avança vers Ferber, qui demeura prostré. Avec son teint pâle, ses yeux d'un bleu très clair, ses cheveux mi-longs et noirs, Christian Ferber avait trente-deux ans un physique romantique de beau gosse ténébreux, sensible, assez inhabituel dans la police ; c'était pourtant un policier compétent et opiniâtre, un de ceux avec qui il préférait travailler.

« Christian... » dit Jasselin doucement, puis de plus en plus fort.

Lentement, comme un gosse puni, Ferber leva les yeux, lui jetant un regard de rancune plaintive.

« C'est à ce point ? demanda doucement Jasselin.

— C'est pire. Pire que ce que tu peux imaginer. Celui qui a fait ça... ne devrait pas exister.

On devrait le rayer de la surface de la terre.

— On va l'attraper, Christian. On les attrape toujours. »

Ferber hocha la tête et se mit à pleurer. Tout cela devenait très inhabituel.

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En plus, la victime était célèbre... ajouta Ferber.

— C'était qui ?

— Michel Houellebecq. »

Devant l'absence de réaction de son supérieur, il ajouta : C'est un écrivain. Enfin, c'était un écrivain. Il était très connu. »

Eh bien, l'écrivain connu servait maintenant de support nutritionnel à de nombreux asticots, se dit Jasselin dans un courageux effort de mind control.

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Soumission
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Seule la littérature peut vous permettre d'entrer en contact avec l'esprit d'un mort, de manière plus directe, plus complète et plus profonde que ne le ferait même la conversation avec un ami.

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Autant que la littérature, la musique peut déterminer un bouleversement, un renversement émotif; une tristesse ou une extase absolues ; autant que la littérature, la peinture peut générer un émerveillement, un regard neuf posé sur le monde. Mais seule la littérature peut vous donner cette sensation de contact avec un autre esprit humain, avec l'intégralité de cet esprit, ses faiblesses et ses grandeurs, ses limitations, ses petitesses, ses idées fixes, ses croyances ; avec tout ce qui l'émeut, l'intéresse, l'excite ou lui répugne.

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Lorsqu’il est question de littérature, la beauté du style, la musicalité des phrases ont leur importance ; la profondeur de la réflexion de l'auteur, l’originalité de ses pensées ne sont pas à dédaigner ; mais un auteur c’est avant tout un être humain, présent dans ses livres, qu’il écrive très bien ou très mal en définitive importe peu.

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- La Fraternité Musulmane est un parti spécial, vous savez. (...) Pour eux l'économie et la géopolitique ne sont que de la poudre aux yeux : Celui qui contrôle les enfants contrôle le futur, point final. Alors le seul point capital, le seul point sur lequel ils veulent absolument avoir satisfaction, c'est l'éducation des enfants. (...) Chaque enfant français doit avoir la possibilité de bénéficier, du début à la fin de sa scolarité, d'un enseignement islamique.

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Selon le modèle amoureux prévalant durant les années de ma jeunesse (et rien ne me laissait penser que les choses aient significativement changé), les jeunes gens, après une brève période de vagabondage sexuel correspondant à la préadolescence, étaient supposés s'engager dans des relations amoureuses, exclusives, assorties d'une monogamie stricte, où entraient en jeu des activités non seulement sexuelles mais aussi sociales (sorties, week-ends, vacances). Ces relations n'avaient cependant rien de définitif, mais devaient être considérées comme autant d'apprentissages de la relation amoureuse, en quelque sorte comme des "stages" (dont la pratique se généralisait par ailleurs sur le plan professionnel en tant que préalable au premier emploi). Des relations amoureuses de durée variable (la durée d'un an que j'avais pour ma part observée pouvait être considérée comme acceptable), en nombre variable (une moyenne de dix à vingt apparaissant comme une approximation raisonnable), étaient censées ….

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De l'autre côté du couloir, un homme d'affaires arabe d'une cinquantaine d'années, vêtu d'une longue djellaba blanche et d'un keffieh également blanc, qui devait venir de Bordeaux, avait étalé plusieurs dossiers à côté de son ordinateur sur les tablettes à sa disposition. Face à lui, deux jeunes filles à peine sorties de l'adolescence — sans doute ses épouses — avaient fait une razzia de confiseries et de magazines au 'Relay'. Elles étaient vives et rieuses, portaient de longues robes et des voiles multicolores.

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Vêtues pendant la journée d'impénétrables burqas noires, les riches Saoudiennes se transformaient le soir en oiseaux de paradis, se paraient de guêpières, de soutiens-gorge ajourés, de strings ornés de dentelles multicolores et de pierreries ; exactement l'inverse des Occidentales, classe et sexy pendant la journée parce que leur statut social était en jeu, qui s'affaissaient le soir en rentrant chez elles, abdiquant avec épuisement toute perspective de séduction, revêtant des tenues décontractées et informes.

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Pendant toutes les années de ma triste jeunesse, Huysmans demeura pour moi un compagnon, un ami fidèle ; jamais je n'éprouvai de doute, jamais je ne fus tenté d'abandonner, ni de m'orienter vers un autre sujet ; puis, une après-midi de juin 2007, après avoir longtemps attendu, après avoir tergiversé autant et même un peu plus qu'il n'était admissible, je soutins devant le jury de l'université Paris IV – Sorbonne ma thèse de doctorat : Joris-Karl Huysmans, ou la sortie du tunnel. Dès le lendemain matin (ou peut-être dès le soir même, je ne peux pas l'assurer, le soir de ma soutenance fut solitaire, et très alcoolisé), je compris qu'une partie de ma vie venait de s'achever, et que c'était probablement la meilleure.

Tel est le cas, dans nos sociétés encore occidentales et social-démocrates, pour tous ceux qui terminent leurs études, mais la plupart n'en prennent pas, ou pas immédiatement conscience, hypnotisés qu'ils sont par le désir d'argent, ou peut-être de consommation chez les plus primitifs, ceux qui ont développé l'addiction la plus violente à certains produits (ils sont une minorité, la plupart, plus réfléchis et plus posés, développant une fascination simple pour l'argent, ce « Protée infatigable »), hypnotisés plus encore par le désir de faire leurs preuves, de se tailler une place sociale enviable dans un monde qu'ils imaginent et espèrent compétitif, galvanisés qu'ils sont par l'adoration d'icônes variables : sportifs, créateurs de mode ou de portails Internet, acteurs et modèles.

Pour différentes raisons psychologiques que je n'ai ni la compétence ni le désir d'analyser, je m'écartais sensiblement d'un tel schéma. Le 1er avril 1866, alors âgé de dix-huit ans, Joris-Karl Huysmans débuta sa carrière, en tant qu'employé de sixième classe, au ministère de l'Intérieur et des cultes. En 1874, il publia à compte d'auteur un premier recueil de poèmes en prose, Le drageoir à épices, qui fit l'objet de peu de recensions hors un article, extrêmement fraternel, de Théodore de Banville. Ses débuts dans l'existence, on le voit, n'eurent rien de fracassant.

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La possibilité d’une île

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Lorsque la sexualité disparaît, c'est le corps de l'autre qui apparaît, dans sa présence vaguement hostile; ce sont les bruits, les mouvements, les odeurs; et la présence même de ce corps qu'on ne peut plus toucher, ni sacrifier par le contact, devient peu à peu une gêne; tout cela, malheureusement est connu.

La disparition de la tendresse suit toujours de près celle de l'érotisme.

Il n'y a pas de relation épurée, d'union supérieure des âmes, ni quoi que ce soit qui puisse y ressembler, ou même l'évoquer sur un mode allusif.

Quand l'amour physique disparaît, tout disparaît; un agacement morne, sans profondeur vient remplir la succession des jours.

Et sur l'amour physique, je ne me faisais guère d'illusions. Jeunesse, beauté, force : les critères de l'amour physique sont exactement les mêmes que ceux du nazisme. En résumé, j'étais dans un beau merdier.

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Plateforme
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Entre nous, ce n’était pas facile. Elle avait connu les organes sexuels de mon père, ce qui tendait à créer une intimité un peu déplacée. Tout cela était globalement surprenant : elle avait l’air d’une fille sérieuse, et mon père n’avait rien d’un séducteur. Il devait quand même posséder certains traits, certaines caractéristiques attachantes que je n’avais pas su voir ; j’avais même du mal, en réalité, à me souvenir des traits de son visage. Les hommes vivent les uns à côté des autres comme des bœufs ; c’est tout juste s’ils parviennent, de temps en temps, à partager une bouteille d’alcool

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Dialogue avec Michel ONFRAY du 08 Décembre 2022 dans la Revue Front Populaire Hors-Série n°3 (texte modifié après une rencontre avec le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz.)

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Si des territoires entiers passaient vraiment sous contrôle islamiste, alors oui, je pense que des actes de résistance auraient lieu. Il y aurait des attentats et des fusillades dans des mosquées, dans des cafés fréquentés par les musulmans, bref des Bataclan à l'envers. Et les musulmans ne se contenteraient pas de mettre des bougies et des bouquets de fleurs. Alors, oui, les choses pourraient aller assez vite. Une des choses les plus remarquables dans les réactions à la “lettre des généraux”, c'était quand même la proportion de Français qui s'attendent à une guerre civile dans un futur proche. Je ne crois pas pour ma part que les conditions soient actuellement réunies. Il faudrait d'abord que la police ne puisse effectivement plus pénétrer dans certains quartiers ; ce n'est pas le cas : ils ont parfois du mal, ils doivent déployer les grands moyens, mais ils y arrivent. Il faudrait ensuite que l'armée elle-même ne puisse plus y pénétrer ; et ça, ça me paraît pour l'instant improbable.

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À mon avis, le souhait d'une grande partie de la population française de souche, comme on dit, n'est pas avant tout que les musulmans s'assimilent. Les histoires de voile, de burkini, de nourriture halal etc., ils s'en ficheront complètement dès qu'ils ne percevront plus les musulmans comme une menace pour leur sécurité. Ce qu'ils demandent, et même qu'ils exigent, c'est que les criminels étrangers soient expulsés, et en général que la justice soit plus sévère avec les petits délinquants. Beaucoup plus sévère.

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