BELLEAU, Rémi


La bergerie


Ah pensers trop pensés, donnez quelque repos

Quelque trêve à mon âme, et d’espérances vaines

Favorisez au moins mes emprises hautaines,

Et me faites changer quelquefois de propos !


Vous sucez à longs traits la moelle de mes os,

Vous me séchez les nerfs, le poumon et les veines,

Vous m’altérez le sang, et d’un monde de peines

Fertile renaissant, vous me chargez le dos.


Si je suis à cheval, vous vous jettez en croupe,

Si je vogue sur mer, vous êtes sur la poupe,

Si je vais par les champs, vous talonnez mes pas.


Ah pensers trop pensés, si vous n’avez envie

De me laisser goûter les douceurs de la vie,

Avancez je vous prie l’heure de mon trépas !