MACHAUT, Guillaume de
Douce dame, que j'aime tant et désire...
Douce dame , que j'aime tant et désire,
De sorte que jour et nuit je ne pense ailleurs,
Je ne veux pas vous prier ni requérir
Que vous m'accordiez la grâce ni votre amour,
Ni rien qui puisse alléger ma douleur,
A part, sans plus, que vous daigniez savoir
Que je vous aime de cœur, sans décevoir.
Car je ne pourrai nullement arriver,
A mon avis, à un si grand honneur
Et je ne suis pas digne de vous servir.
Aussi, sachez, très belle que je vénère,
Que je tiendrais ma peine pour récompensée
Si vous vouliez parfois vous apercevoir
Que je vous aime de cœur, sans décevoir.
Et, très belle, que j'aime sans repentir,
j'espère tant de biens de votre douceur,
Et votre noble cœur déciderait
Grâce, pitié, noblesse et vraie amour,
Tant qu'il aurait pitié de la douleur
Qui me serre, si vous saviez de voir
Que je vous aime de cœur, sans décevoir.
Ballade de ceux qui ont perdu leur temps en amour
Puisque je vois que j'ai mon temps perdu
Par ma franchise et loyauté d'aimer,
Fidélité ne m'a pas secouru
Du désespoir, je veux tout oublier,
Et désormais laisser désir tranquille,
Car nul ne peut être tenu pour sage
Qui femme croit; si ce n'est sur bon gage.
Je l'aperçois car d'être bien déçu
Je suis resté d'avoir cru le parler
De celle qui m'a comme fol tondu,
Fait longuement par son regard muser,
Et m'a appris qu'il faut se méfier.
Déçu sera celui usuellement
Qui femme croit; si ce n'est sur bon gage.
Certainement que si j'avais connu
Dès le début la nature d'aimer
Je n'aurais pas si longtemps attendu
Pour reprendre tous les gages donnés.
Il est trop tard, je n'y vois nul remède;
Honte sur lui et jusqu'à son lignage
Qui femme croit; si ce n'est sur bon gage.
De Fortune me dois plaindre et louer
De Fortune me dois plaindre et louer
A mon avis, plus qu’autre créature
Car quand commençait à peine à l’aimer
Mon coeur, mon amour, ma pensée, ma cure
M’ont si bien mis en plaisir
Que mon souhait ne pouvait que faillir
Qu’en ce monde ne fut jamais trouvé
Dame qui serait aussi bien dotée. (favorisée)
Je ne peux penser ni imaginer
Ni croire en moi que jamais la Nature
Du plus qu’on peut bel et bien désirer
Ne put faire aussi parfaite figure
Qu’elle, ou sinon mon désir
Est et sera pour toujours sans partir
Aussi je crois que jamais ne fut née
Dame qui serait aussi bien dotée.
Las ! Je ne peux en ce point demeurer
Car Fortune qui jamais ne fut sure
Vient sa roue à mon encontre tourner
Et mon coeur las mettre en déconfiture.
Fidèle, jusqu’au mourir
Veux ma douce amie aimer et chérir.
Jamais n’aurait une fausse pensée
Dame qui serait aussi bien dotée