WARESQUIEL, Emmanuel de
Talleyrand
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Le 7 mars 1814, alors que le congrès de Vienne ronronne, une nouvelle tombe comme un coup de tonnerre : Napoléon vient de quitter l'ïle d'Elbe pour une destination encore inconnue.
Pour Talleyrand, c'est une catastrophe : cinq mois de fine stratégie risquent de voler en éclat.
Il parlera donc de ce retour comme de "la plus cruelle et la plus folle indignité d'un fou qu'on ne haïra jamais assez d'avoir remis en jeu le pays qui lui avait pourtant tout donné."
Aussitôt, il s'évertue à mobiliser les énergies afin de presser les nations coalisées à ne pas perdre de temps en les forçant à marcher vite sus à l'usurpateur.
Par la déclaration du 13 mars, qui est son oeuvre, il qualifie la fuite de Napoléon de "délire criminel et impuissant", et le place "hors des relations civiles et sociales, comme ennemi et perturbateur du repos du monde."
Talleyrand mesure parfaitement la portée d'un tel acte.
Il écrira le 15 à la princesse Tyszkiewicz : -"Vous mettez à Paris Bonaparte hors-la-loi; ici, nous faisons mieux, nous le mettons hors du genre humain."
Cette déclaration est certainement l'acte le plus fort qui ait jamais été fait contre un individu.
D'une violence peu commune, elle lie les puissances alliées entre elles et tue dans l'oeuf toute vélléité de résistance, notamment de la part de l'Autriche, dont l'empereur est quand même le beau-père de Napoléon.
-"Ne voyez-vous pas que pour empêcher l'Autriche de se souvenir jamais qu'elle avait un gendre, il fallait lui faire mettre sa signature au bas d'une sentence de mort civile, et non d'une déclaration de guerre ? déclara l'ancien ministre de Napoléon. "On peut toujours traiter avec un ennemi; on ne se remarie pas avec un condamné."
D'un trait de plume, il venait d'assassiner celui qu'il avait servi pendant plusieurs années et à qui il devait tout.
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