BABEUF, Gracchus
Lettre à son épouse du 25 juillet 1789
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Les exécutions ont commencé, sans épuiser un trop juste ressentiment. La fureur du peuple est loin d'être apaisée par la mort du gouverneur de la Bastille et la démolition de cette infernale prison, par la mort du prévôt des marchands, par le pardon que Louis XVI est venu implorer de ses sujets, par le rappel de M. Necker et des autres anciens ministres, par le renvoi des nouveaux régiments et des troupes ; il lui faut bien d'autres expiations. On veut encore, dit-on, voir tomber une trentaine de têtes coupables. M. Foulon qui devait remplacer M. Necker, et qui, s'étant fait passer pour mort il y a quatre jours, avait fait enterrer une bûche à sa place, ce M. Foulon a été arrêté hier, conduit à l'Hôtel de ville et pendu (*) au moment où il en descendait. Son corps a été traîné dans les rues de Paris, puis déchiré en morceaux, et sa tête, promenée au bout d'une pique, a été portée au faubourg Saint-Martin (*), pour y attendre et précéder le gendre de M. Foulon, M.Bertier de Sauvigny, intendant de Paris, qu'on amenait de Compiègne, où il avait été arrêté, et qui doit subir aujourd'hui le même sort que son beau-père. J'ai vu passer cette tête du beau-père, et le gendre arrivant derrière sous la conduite de plus de mille hommes armés ; il a fait ainsi, exposé aux regards du public, tout le long trajet du faubourg et de la rue Saint-Martin, au milieu de deux cent mille spectateurs qui l'apostrophaient et se réjouissaient avec les troupes de l'escorte, qu'animait le bruit du tambour. Oh ! que cette joie me faisait mal ! J'étais tout à la fois satisfait et mécontent ; je disais tant mieux et tant pis. Je comprends que le peuple se fasse justice, j'approuve cette justice lorsqu'elle est satisfaite par l'anéantissement des coupables, mais pourrait-elle aujourd'hui n'être pas cruelle ? Les supplices de tous genres, l'écartèlement, la torture, la roue, les bûchers, le fouet, les gibets, les bourreaux multipliés partout, nous ont fait de si mauvaises mœurs ! Les maîtres, au lieu de nous policer, nous ont rendus barbares, parce qu'ils le sont eux-mêmes. Ils récoltent et récolteront ce qu'ils ont semé, car tout cela, ma pauvre femme, aura, à ce qu'il parait, des suites terribles ; nous ne sommes qu'au début.
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