DELARUE, Lucie



Furieusement


Je veux te prendre, toi que je tiens haletante

Contre mes seins, les yeux de noirs de consentement ;

Je veux te posséder comme un amant,

Je veux te prendre jusqu'au coeur !...Je veux te prendre !...


Ah ! rouler ma nudité sur ta nudité,

Te fixer, te dévorer les yeux jusqu'à l'âme,

Te vouloir, te vouloir !... Et n'être qu'une femme

Sur le bord défendu de la félicité !...


Et m'assouvir d'une possession ingrate

Qui voudrait te combler, t'atteindre, t'éventrer,

Et qui n'est rien qu'un geste vain d'ongle fardé

Fouillant de loin ta chair profonde et délicate !...



Sanglot


Le souvenir dansant de toutes tes aimées

Rode en silence auprès de mon cœur plein d'effroi.

Malgré la nuit de joie et ses portes fermées,

Je ne suis pas seule avec toi.


Doucement prise au pli sublime des étoffes,

Ma sombre passion gémit dans tes genoux;

Mais, au rythme muet de nos charnelles strophes,

Gomorrhe brûle autour de nous !...


Je ne pleurerai pas le remords des damnées.

Je pleurerai de voir, trésor irrespecté,

Dans tes mains sans ferveur et sans virginité

Toutes mes richesses données.



Possesion


Un frôlement suffit pour abattre ma force,

Un frôlement de mon amante.

Quand sa bouche frémit sur ma bouche dormante,

Son baiser entre en moi comme une lame torse.


Mais, par certaines nuits, si nous couchons ensemble,

Je ne suis plus rien qu'une proie

Qui se débat contre elle et rit et pleure et tremble,

Et va mourir de joie, et va mourir de joie !...


Elle est belle... Je l'aime... Ah ! quelle chose au monde

Pourrait m'arracher d'elle

Qui tendit à jamais cette corde profonde

Dans mon âme d'orgueil si sombre et si charnelle ?...