SEUPHOR, Michel
Intimes étendues 1
fatigué du monde
et de soi-même
que reste-t-il
sinon d'aller en mer
car derrière les coulisses
il y a toujours la mer
aux portes du tripot
il y a soudain ce refuge
où les fausses monnaies n'ont pas cours
où les dieux de la machine
ne font pas de lois cruelles
la mer qui est un lac
et qui n'a pas de bords
la mer qui est une montagne
et qui n'a pas de fin
la mer qui est un ciel
peuplé de grands silences
la mer qui pense si visiblement
et qui ne parle pas
qui chante
et qui ne parle pas
qui berce
et qui ne parle pas
cet univers sans lieux et sans barrières
et qui vit de lumière
cette mer qui est une île
cette île qui est un œil
face à face l'unique soleil
et toi
seul à bord de ta barque
seul à bord de ton île
enlacé seul à seul
avec le rythme pur
avant même
le commencement de quelque chose
Escale 1
Mortel
dès ton entrée dans le monde
tes jours te sont inoculés
aussi noirs que blancs
tant colorés qu'incolores
mais ton affaire est ailleurs.
Vivre c'est marcher dans l'éternité.
La quotidienneté n'est que chute
et désenchantement.
Les chiffres sont là
te dira-t-on
pour mettre de l'ordre dans le chaos
et le chaos est pire qu'avant.
Mets-toi sur la touche
et abolis le temps.
Tableau-poème VIII