ROSTAND, Edmond



La cathédrale


Ils n’ont fait que la rendre un peu plus immortelle.

L’œuvre ne périt pas, que mutile un gredin.

Demande à Phidias et demande à Rodin

Si, devant ses morceaux, on ne dit plus : « C’est Elle ! »


La Forteresse meurt quand on la démantèle.

Mais le Temple, brisé, vit plus noble ; et soudain,

Les yeux, se souvenant du toit avec dédain,

Préfèrent voir le ciel dans la pierre en dentelle.


Rendons grâce – attendu qu’il nous manquait encor

D’avoir ce qu’ont les Grecs sur la colline d’or :

Le Symbole du Beau consacré par l’insulte ! –


Rendons grâce aux pointeurs du stupide canon,

Puisque de leur adresse allemande il résulte

Une Honte pour eux, pour nous un Parthénon !



Hymne au soleil


Je t’adore, Soleil ! ô toi dont la lumière,

Pour bénir chaque front et mûrir chaque miel,

Entrant dans chaque fleur et dans chaque chaumière,

Se divise et demeure entière

Ainsi que l’amour maternel !


Je te chante, et tu peux m’accepter pour ton prêtre,

Toi qui viens dans la cuve où trempe un savon bleu

Et qui choisis, souvent, quand tu veux disparaître,

L’humble vitre d’une fenêtre

Pour lancer ton dernier adieu !


Tu fais tourner les tournesols du presbytère,

Luire le frère d’or que j’ai sur le clocher,

Et quand, par les tilleuls, tu viens avec mystère,

Tu fais bouger des ronds par terre

Si beaux qu’on n’ose plus marcher !


Gloire à toi sur les prés! Gloire à toi dans les vignes !

Sois béni parmi l’herbe et contre les portails !

Dans les yeux des lézards et sur l’aile des cygnes !

Ô toi qui fais les grandes lignes

Et qui fais les petits détails!


C’est toi qui, découpant la Sœur jumelle et sombre

Qui se couche et s’allonge au pied de ce qui luit,

De tout ce qui nous charme as su doubler le nombre,

A chaque objet donnant une ombre

Souvent plus charmante que lui !


Je t’adore, Soleil ! Tu mets dans l’air des roses,

Des flammes dans la source, un dieu dans le buisson !

Tu prends un arbre obscur et tu l’apothéoses !

Ô Soleil ! toi sans qui les choses

Ne seraient que ce qu’elles sont!