BOUBLIL, Alain



Seul devant ces tables vides


Il est un deuil que je porte

Lourd au coeur comme un secret

Seul devant ces tables vides

Qu'ils ne reverront jamais

 
On partait changer le monde

On rêvait d'égalité

Et d'un matin de lumière

Qui ne s'est jamais levé

 
De la table sous le fenêtre

Habités d'un fol espoir

Des enfants ont pris les armes

Je les entends encore

Ces mots brûlants qu'ils ont chantés

Furent leurs dernières volontés

Sur la barricade déserte, à l'aube

 
Oh! Mes amis, pardonnez-moi

D'être là, de vivre encore

Il est des deuils que l'on garde

Quand tous les chagrins sont morts

 
Et je vois passer vos ombres

Et je pleure nos joies perdues

Seul devant ces tables vides

Que vous ne reverrez plus

 
Oh! Mes amis, je voudrais croire

Que vous n'êtes pas morts en vain

Seul devant ces tables vides

Je ne suis plus sûr de rien.



J'avais rêvé d'une autre vie


J'avais rêvé d'une autre vie

Mais la vie a tué mes rêves

Comme on étouffe les derniers cris

D'un animal que l'on achève


J'avais rêvé d'un coeur si grand

Que le mien puisse y trouver place

Mais mon premier prince charmant

Fut l'assassin de mon enfance


J'ai payé de toute mes larmes

La rançon d'un petit bonheur

À une société qui désarme

La victime, et pas le voleur


J'avais rêvé d'un seul amour

Durant jusqu'à la fin du monde

Dont on ne fait jamais le tour

Aussi vrai que la terre est ronde


J'avais rêvé d'une autre vie

Mais la vie a tué mes rêves

À peine commencée, elle finit

Comme un court printemps qui s'achève


La nuit, la nuit, je sombre en mon corps

Et je m'abondonne à des sinistres corps à corps

La nuit, la nuit, pour deux pièces d'or

Quand ils font jaillir en moi leur pitoyable effort

Ils ne savent pas qu'ils font l'amour avec la mort