CLEMENT, Jean-Baptiste


Le temps des cerises

Quand nous en serons au temps des cerises,
Et gai rossignol et merle moqueur
Seront tous en fête.
Les belles auront la folie en tête
Et les amoureux du soleil au coeur.
Quand nous en serons au temps des cerises,
Sifflera bien mieux le merle moqueur.

Mais il est bien court, le temps des cerises,
Où l'on s'en va deux cueillir en rêvant
Des pendants d'oreilles.
Cerises d'amour aux robes pareilles
Tombant sous la feuille en gouttes de sang.
Mais il est bien court le temps des cerises,
Pendants de corail qu'on cueille en rêvant.

Quand vous en serez au temps des cerises,
Si vous avez peur des chagrins d'amour
Evitez les belles.
Moi qui ne crains pas les peines cruelles,
Je ne vivrai pas sans souffrir un jour.
Quand vous en serez au temps des cerises,
Vous aurez aussi des chagrins d'amour.

J'aimerai toujours le temps des cerises :
C'est de ce temps-là que je garde au coeur
Une plaie ouverte,
Et dame Fortune, en m'étant offerte,
Ne saurait jamais calmer ma douleur.
J'aimerai toujours le temps des cerises
Et le souvenir que je garde au coeur.


La Semaine Sanglante

Sauf des mouchards et des gendarmes,

On ne voit plus par les chemins,

Que des vieillards tristes en larmes,

Des veuves et des orphelins.

Paris suinte la misère,

Les heureux mêmes sont tremblants.

La mode est aux conseils de guerre,

Et les pavés sont tout sanglants.

Oui mais !

Ça branle dans le manche,

Les mauvais jours finiront.

Et gare ! à la revanche

Quand tous les pauvres s’y mettront.

Quand tous les pauvres s’y mettront.

Les journaux de l'ex-préfecture

Les flibustiers, les gens tarés,

Les parvenus par l'aventure,

Les complaisants, les décorés

Gens de Bourse et de coin de rues,

Amants de filles au rebut,

Grouillent comme un tas de verrues,

Sur les cadavres des vaincus.

Oui mais…..

On traque, on enchaîne, on fusille

Tous ceux qu’on ramasse au hasard.

La mère à côté de sa fille,

L'enfant dans les bras du vieillard.

Les châtiments du drapeau rouge

Sont remplacés par la terreur

De tous les chenapans de bouges,

Valets de rois et d'empereurs.

Oui mais…..

Nous voilà rendus aux jésuites

Aux Mac-Mahon, aux Dupanloup.

Il va pleuvoir des eaux bénites,

Les troncs vont faire un argent fou.

Dès demain, en réjouissance

Et Saint-Eustache et l’Opéra

Vont se refaire concurrence,

Et le bagne se peuplera.

Oui mais…..

Demain les manons, les lorettes

Et les dames des beaux faubourgs

Porteront sur leurs collerettes

Des chassepots et des tambours

On mettra tout au tricolore,

Les plats du jour et les rubans,

Pendant que le héros Pandore

Fera fusiller nos enfants.

Oui mais…..

Demain les gens de la police

Refleuriront sur le trottoir,

Fiers de leurs états de service,

Et le pistolet en sautoir.

Sans pain, sans travail et sans armes,

Nous allons être gouvernés

Par des mouchards et des gendarmes,

Des sabre-peuple et des curés.

Oui mais…..

Le peuple au collier de misère

Sera-t-il donc toujours rivé ?

Jusques à quand les gens de guerre

Tiendront-ils le haut du pavé ?

Jusques à quand la Sainte Clique

Nous croira-t-elle un vil bétail ?

À quand enfin la République

De la Justice et du Travail ?

Oui mais…..


Dansons la capucine

Dansons la capucine
Y'a plus de pain chez nous
Y'en a chez la voisine
Mais ce n'est pas pour nous
You !

Dansons la capucine
Y'a pas de vin chez nous
Y'en a chez la voisine
Mais ce n'est pas pour nous
You !

Dansons la capucine
Y'a pas de feu chez nous
Y'en a chez la voisine
Mais ce n'est pas pour nous
You !

Dansons la capucine
Y'a du plaisir chez nous
On pleure chez la voisine
On rit toujours chez nous
You !