FROISSART, Jean
Rondeaux
On doit le temps ainsi prendre qu’il vient :
Toujours ne peut durer une fortune ;
Un temps s’en va, et puis l’autre revient :
On doit le temps ainsi prendre qu’il vient.
Je me conforte à ce qu’il me souvient
Que tous les mois avons nouvelle lune ;
On doit le temps ainsi prendre qu’il vient.
Il n’est plaisir, divertissement, ni joie
Qui vienne au cœur, si ce n’est par aimer ;
Je veux le dire, partout ou que je sois:
Il n’est plaisir, divertissement, ni joie;
Les ignorants, je voudrais volontiers
Etre amoureux, pour honorer cet état.
Il n’est plaisir , divertissements, ni joie
Qui vienne au cœur, si ce n’est par aimer.
Duquel des deux fait Amour plus grande cure ?
Ou de la Dame ou du Loyal ami
Quand chacun d’eux en bonne amour procure ?
Duquel des deux fait Amour plus grande cure ?
Je veux me taire, la matière est obscure,
Et je laisserai juger un autre que moi.
Duquel des deux fait Amour plus grande cure ?
Ou de la dame ou du loyal ami?
Si je me plains, ma dame j’ai bien de quoi,
Car vos regards me sont un peu trop fiers:
Adoucissez-les quand les jetez sur moi.
Si je me plains, ma dame, j’ai bien de quoi.
Ils ne me font que tristesse et anoi
Et ce n’est pas ce dont j’ai besoin.
Si je me plains, ma dame, j’ai bien de quoi,
Car vos regards me sont un peu trop fiers.
On écrit bien telle lettre à la chandelle,
Qui plait moult bien quand on la lit au jour.
Amour, je suis dans cette affaire pareil;
– On écrit bien telle lettre à la chandelle –
J’ai en mon cœur écrit la nonpareille
Qui est nommée fleur de marguerite.
On écrit bien telle lettre à la chandelle
Qui plait moult bien quand on la lit au jour.
Je ne désire voir ni Médée ni Jason
Je ne désire voir ni Médée ni Jason,
Ni continuer à lire la mappemonde,
Ni écouter Orphée et sa musique,
Ni voir Hercule qui parcourut le monde,
Ni Lucrèce qui fut si bonne et pure,
Ni Pénélope non plus, car, par saint Jame,
Je vois assez, puisque je vois ma dame.
Je ne désire voir ni Vergile ni Platon,
Ni par quel art eurent si grande faconde,
Ni Léandre, qui, seul, sans naviron
Nageait dans la mer forte et profonde,
Tout pour l’amour de sa dame la blonde,
Ni nul rubis, saphir, perle ni jame :
Je vois assez, puisque je vois ma dame.
Je ne désire voir le cheval Pégasse
Qui court plus vite en l’air que ne vole l’hirondelle,
Ni l’image que fit Pygmalion,
Qui n’eut jamais sa pareille au monde,
Ni Eole, qui pousse les ondes de la mer.
Si l’on veut savoir pourquoi, c’est parce que, par mon âme,
Je vois assez, puisque je vois ma dame.