BRÛL É , Gace



Les oisillons de mon pays


Les oisillons de mon pays

Ai ouïs en Bretagne ;

A leur chant il m'est bien avis,

Qu'en la douce Champagne

Les ouïs jadis,

Si je ne me suis mépris.

Ils m'ont en si doux penser mis

Qu'à chanson faire me suis pris

Jusqu'à ce que j'atteigne

Ce qu'Amour m'a longtemps promis.


De longue attente je languis

Sans que je m'en plaigne ;

Cela m'ôte la joie et le ris ;

Nul de ceux qu'Amour étreint

N'est d'autre chose attentif.

Mon coeur et mon visage

Je les trouve si souvent troublés

Qu'un fou semblant suis devenu.

Que d'autres en Amour soient mauvais,

Jamais, certes, mal ne lui fis.


En me baisant, mon coeur me ravit

Ma douce dame gente ;

Trop fus fou quand il m'abandonna

Pour elle qui me tourmente!

Las ! ne l'ai pas senti

Quand de moi partit ;

Tout doucement me le prit

Qu'en soupirant, à soi l'attira ;

Mon fol coeur elle séduit

Mais jamais n'aura de moi merci.


D'un baiser dont il me souvient

Ce m'est avis, en mon idée,

Qu'il n'est heure, et cela m'a trahi,

Qu'à mes lèvres ne le sente.

Quand elle souffrit

Que je la voie,

De ma mort que ne m'a-t-elle préservé !

Elle sait bien que je m'occis

En cette longue attente

Dont j'ai visage teint et pâli.


Puisque m'ôte rire et jeux

Et me fait mourir d'envie,

Trop souvent il me fait cher payer

Amour sa compagnie.

Las ! je n'ose y aller

Car aux fous ressembler

Me font ces faux demandeurs d'amour.

Mort suis quand les vois lui parler ;

Car point de tricherie

Ne peut nul d'eux en elle trouver.


Cant voi l’aube


Cant voi l’aube dou jor venir,

Nulle rien ne doi tant haïr,

K’elle fait de moi departir

Mon amin, cui j’ain per amors.


Or ne hais riens tant com le jour,

Amins, ke me depairt de vos.


Je ne vos puis de jor veoir,

Car trop redout l’apercevoir,

Et se vos di trestout por voir

K’en agait sont li enuious.


Or ne hais riens tant come le jour,

Amins, ke me depairt de vos.


Quant je me gix dedens mon lit

Et je resgairde encoste mi,

Je n’i truis poent de mon amin,

Se m’en plaing a fins amerous.


Biaus dous amis, vos en ireis;

A Deu soit vos cors comandeis.

Por Deu vos pri, ne m’oblieis!

Je n’ain nulle rien tant com vos.


Or ne hais riens tant come le jour,

Amins, ke me depairt de vos.
De la joie que désir tant



Chanson XLIV


De la joie que désir tant

D’Amours qui m’a a soi tourné,

Ne puis lessier que je ne chant

Puisque ma dame vient a gré,

En qui j’ai mis coeur et pensée,

A toute ma vie;

Mais trop me font ennui de lai

Celle qui Dieu malaie.


A tel fais joie sans talent,

Pour s’aimer, que de mon coeur hais:

Félon, losengier, médisant

Dont diable font tel plante

Que toute leur poésie

Tourne en félonie,

Qu’avant sont de mal a penser

Que l’amour soit géhie.


Petit peut leur guerre valoir

Quant ma dame voudra aimer,

Et si elle a talent ne vouloir

Du plus loyal ami trouver

Qui soit, dont me puis-je vanter

Qu’a haute honneur d’amie

Ne pourrait nos amis monter

Pour nulle seigneurie.


Cette longue attente et bon espoir

Ne me font joie recouvrer,

Donc m’a Amour trahi pour voir,

Qui toujours la me fait cuider;

Mes uns vis m’en doit conforter

Qui mainte âme a trahie ;

Et si sais qu’en désespérer

A orgueil et folie.


Belle douce dame, merci

De moi qui onques mais ne fut pris

D’Amours, mais or m’en est ainsi,

Qu’a tous amants m’en atis

De coeur vous pris volontiers

Qu’en votre compagnie

M’acueillez, ainsi qu’il me soit pis,

De felenesse envie.


Dame, moût ai petit servi,

A tel don comme je vous ai quis

mes coeurs vers vous a plévi,

D’être le plus leaus amis

Du mont; si le serai tous dis ;

Qu’Amor n’ai pas lessie,


Ainsi est tout en moi, ce m’est vis,

Tant qu’à loyal partie.


Odin pri et mant et devis

Que cette chanson die

A ceux qu’il saura attentis

D’amour sans tricherie.