BEAUCARNE, Julos



J’étais fragile


J'étais fragile comme du papier

J'étais facile à déchirer

Le moindre petit vent contraire

M'envoyait de suite en enfer

J'étais fragile comme le cristal

Des jours très bien, des jours très mal

À la merci de l'air du temps

Un mot me griffe jusqu'au sang


J'étais l'argile du potier

Je me laissais toujours modeler

Un jour j'ai voulu être moi

Plutôt qu'une autre sous tes doigts

J'ai voulu savoir qui j'étais

Étais-je l'algue ou la forêt ?

Étais-je la soie ou la laine

Le granit ou la porcelaine ?


Aujourd'hui, je vais vers moi-même

Même s'il en coûte à ceux qui m'aiment

Trop habitués à me voir

Docilement suivre leur couloir

Aujourd'hui, je me suis de près

Je ne me quitte plus jamais

Je ne m'éloigne plus de moi

J'allais de guingois, je vais droit


Je suis subtile, je rebondis

Je suis heureuse et puis je ris

Il n'y a plus de vent contraire

Je nage au milieu de la mer

Je suis légère comme une plume

Je sors enfin de la brume

Je suis bien dans ma propre peau

Je navigue au fil de mon eau