POL, Antoine
Les passantes
Je veux dédier ce poème
A toutes les femmes qu'on aime
Pendant quelques instants secrets,
A celles qu'on connaît à peine
Qu'un destin différent entraîne
Et qu'on ne retrouve jamais.
A celle qu'on voit apparaître
Une seconde à sa fenêtre
Et qui, preste, s'évanouit,
Mais dont la svelte silhouette
Est si gracieuse et fluette
Qu'on en demeure épanoui.
A la compagne de voyage
Dont les yeux, charmant paysage
Font paraître court le chemin;
Qu'on est seul, peut-être, à comprendre
Et qu'on laisse pourtant descendre
Sans avoir effleuré sa main.
A la fine et souple valseuse
Qui vous sembla triste et nerveuse,
Par une nuit de carnaval
Qui voulut rester inconnue
Et qui n'est jamais revenue
Tournoyer dans un autre bal.
A celles qui sont déjà prises
Et qui, vivant des heures grises
Près d'un être trop différent,
Vous ont, inutile folie,
Laissé voir la mélancolie
D'un avenir désespérant.
A ces timides amoureuses
Qui restèrent silencieuses
Et portent encor votre deuil;
A celles qui s'en sont allées
Loin de vous, tristes esseulées
Victimes d'un stupide orgueil.
Chères images aperçues
Espérances d'un jour déçues
Vous serez dans l'oubli demain;
Pour peu que le bonheur survienne
Il est rare qu'on se souvienne
Des épisodes du chemin.
Mais si l'on a manqué sa vie
On songe avec un peu d'envie
A tous ces bonheurs entrevus
Aux baisers qu'on n'osa pas prendre,
Aux coeurs qui doivent vous attendre,
Aux yeux qu'on n'a jamais revus.
Alors, aux soirs de lassitude,
Tout en peuplant sa solitude
Des fantômes du souvenir,
On pleure les lèvres absentes
De toutes ces belles passantes
Que l'on n'a pas su retenir.
Ton Rire
Ton rire est comme une musique
Qui met la gaîté dans le cœur.
Il est léger, parfois moqueur,
Souvent il vibre, magnifique;
Et quand il découvre tes dents,
En modelant tes deux fossettes,
C'est un carillon de clochettes
Qui semble sonner le printemps.
Quand sur ta joue, ô mon aimée,
Il pose un ton rose discret
De fleur de pêcher, l'on dirait
Que l'atmosphère est embaumée.
Ainsi, dans le jour commençant,
Les fleurs éclatantes de joie
Lancent vers leur dieu qui flamboie
Un long parfum reconnaissant.
Ton rire est la douce lumière
Qui me montre le vrai chemin,
C'est comme un soleil du matin
Qui se lève sous ta paupière.
Toujours je me tourne vers lui
Quand une peine vient d'éclore,
Et je sens un rayon d'aurore
Qui vient illuminer ma nuit.
De la femme et de la jeunesse
Il a pour tous le charme exquis.
Mais depuis que je l'ai conquis,
Il a pour moi de la tendresse.
Aussi je l'adore avec fièvre
Comme le dieu de nos amours,
Et je veux consacrer mes jours
A le conserver sur ta lèvre.