FOLLAIN, Jean


Les jardins


S’épuiser à chercher le secret de la mort

fait fuir le temps entre les plates-bandes

des jardins qui frémissent

dans leurs fruits rouges

et dans leurs fleurs.

L’on sent notre corps qui se ruine

et pourtant sans trop de douleurs.

L’on se penche pour ramasser

quelque monnaie qui n’a plus court

cependant que s’entendent au loin

des cris de fierté ou d’amour.

Le bruit fin des râteaux

s’accorde aux paysages

traversés par les soupirs

des arracheurs d’herbes folles.



L’heure

L'heure où l'enfant s'arrêtait

de jouer avec les coquillages

étincelait de futur

les valves au dedans lisse

gardaient l'odeur de la mer

l'on entendait hacher

pour les bêtes les herbes amères

les mouches sur les mots

du calendrier des jours

se posaient entre les murs étanches

et la phrase

se détachait d'entre les lèvres

livrant à l'espace les ondes éternelles.


Quincaillerie


Dans une quincaillerie de détail en province

des hommes vont choisir

des vis et des écrous

et leurs cheveux sont gris et leurs cheveux sont roux

ou roidis ou rebelles.

La large boutique s’emplit d’un air bleuté ;

dans son odeur de fer

de jeunes femmes laissent fuir

leur parfum corporel.

Il suffit de toucher verrous et croix de grilles

qu’on vend là virginales

pour sentir le poids du monde inéluctable.


Ainsi la quincaillerie vogue vers l’éternel

et vend à satiété

les grands clous qui fulgurent.