NORAC, Carl
Je parle
Je parle miel avec les abeilles.
Je parle sève avec les arbres.
Je parle pollen avec les fleurs.
Je parle terre avec les insectes.
Je parle source avec les poissons.
Je me tais quand le jour se tait.
Au vent, je souffle des histoires.
Sous la nuit, j'épingle mes rêves
pour qu'ils se confondent aux étoiles.
En t'attendant
Quand je t'attends, c'est long.
Les arbres traversent le chemin.
Les oiseaux font leur valise de feuilles.
Les crapauds ont le temps
de se changer trois fois en prince.
Quand je t'attends, c'est long.
Les mille-pattes ont lacé leurs souliers.
Les cigales ont fini de chanter.
Les montres ont le temps
de glisser trois fois des poignets.
Quand tu arrives enfin,
le soleil a déjà compté tous ses rayons,
la mer, ses vagues et le ciel, ses nuages.
Dépêche-toi,
ma lune, ô ma douceur,
il va faire nuit noire sur mon cœur.
L’âge d’or
Maman, plus tard, moi je serai
blanchisseur de nuages ou berger d'oiseaux,
peut-être compteur de gouttes d'eau,
arbitre pour combats d'escargots,
garde du corps pour papillons,
acupuncteur pour hérissons,
clown pour passants fatigués,
imprimeur pour sans-papiers,
décorateur de coccinelles,
empêcheur de tomber du ciel.
Puis, j'inventerai la machine à ne rien faire
qui se tendra en hamac depuis la terre
vers un point très lointain du vaste univers.
Alors, on m'élira comme la plus lente
et la plus mignonne étoile filante.
Respirant le grand air des galaxies,
à cheval sur l'Ourse, sur la queue de Castor,
employé des affaires privées de l'infini,
je connaîtrai enfin l'âge d'or.