SAND, George



Indiana

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Delmare eut envie de se jeter sur lui ; mais il sentit qu’il avait tort, et il ne craignait rien tant au monde que de rougir de lui-même. Il le repoussa en se contentant de lui dire :

« Mêlez-vous de vos affaires. »

Puis, revenant à sa femme :

« Ainsi, madame, lui dit-il en serrant ses bras contre sa poitrine pour résister à la tentation de la frapper, vous entrez en révolte ouverte contre moi, vous refusez de me suivre à l’île Bourbon, vous voulez vous séparer ? Eh bien, mordieu ! moi aussi…

— Je ne le veux plus, répondit-elle. Je le voulais hier, c’était ma volonté ; ce ne l’est plus ce matin. Vous avez usé de violence en m’enfermant dans ma chambre : j’en suis sortie par la fenêtre pour vous prouver que ne pas régner sur la volonté d’une femme, c’est exercer un empire dérisoire. J’ai passé quelques heures hors de votre domination ; j’ai été respirer l’air de la liberté pour vous montrer que vous n’êtes pas moralement mon maître et que je ne dépends que de moi sur la terre. En me promenant, j’ai réfléchi que je devais à mon devoir et à ma conscience de revenir me placer sous votre patronage ; je l’ai fait de mon plein gré. Mon cousin m’a accompagnée ici, et non pas ramenée. Si je n’eusse pas voulu le suivre, il n’aurait pas su m’y contraindre, vous l’imaginez bien. Ainsi, Monsieur, ne perdez pas votre temps à discuter avec ma conviction ; vous ne l’influencerez jamais, vous en avez perdu le droit dès que vous avez voulu y prétendre par la force. Occupez-vous du départ ; je suis prête à vous aider et à vous suivre, non pas parce que telle est votre volonté, mais parce que telle est mon intention. Vous pouvez me condamner, mais je n’obéirai jamais qu’à moi-même.

— J’ai pitié du dérangement de votre esprit, » dit le colonel en haussant les épaules. Et il se retira dans sa chambre pour mettre en ordre ses papiers, fort satisfait, au dedans de lui, de la résolution de madame Delmare, et ne redoutant plus d’obstacles ; car il respectait la parole de cette femme autant qu’il méprisait ses idées.

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La mare au diable

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Germain connaissait le chemin jusqu'au Magnier ; mais il pensa qu'il aurait plus court en en prenant pas l'avenue de Chanteloube mais en descendant par Presles et la Sépulture, direction qu'il n'avait pas l'habitude de prendre quand il allait à la foire. Il se trompa et perdit encore un peu de temps avant d'entrer dans le bois ; encore n'y entra-t-il point par le bon côté, et il ne s'en aperçut pas, si bien qu'il tourna le dos à Fourche et gagna beaucoup plus haut du côté d'Ardentes.

Ce qui l'empêchait alors de s'orienter, c'était un brouillard qui s'élevait avec la nuit, un de ces brouillards des soirs d'automne que la blancheur du clair de lune rend plus vagues et plus trompeurs encore. Les grandes flaques d'eau dont les clairières sont semées exhalaient des vapeurs si épaisses que, lorsque la Grise ls traversait, on ne s'en apercevait qu'au clapotement de ses pieds et à la peine qu'elle avait à les tirer de la vase.

Quand on eut enfin trouvé une belle allée bien droite, et qu'arrivé au bout, Germain chercha à savoir où il était, il s'aperçut bien qu'il s'était perdu

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La Petite Fadette

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Comme il marchait la tête basse et les yeux fichés en terre, il sentit quelqu'un qui lui tapait l'épaule, et se retournant il vit la petite-fille de la mère Fadet, qu'on appelait dans le pays la petite Fadette, autant pour ce que c'était son nom de famille que pour ce qu'on voulait qu'elle fût un peu sorcière aussi. Vous savez tous que le fadet ou le farfadet, qu'en d'autres endroits on appelle aussi le follet, est un lutin fort gentil, mais un peu malicieux. On appelle aussi fades les fées auxquelles, du côté de chez nous, on ne croit plus guère. Mais que cela voulût dire une petite fée, ou la femelle du lutin, chacun en la voyant s'imaginait voir le follet, tant elle était petite, maigre, ébouriffée et hardie. C'était un enfant très causeur et très moqueur, vif comme un papillon, curieux comme un rouge-gorge et noir comme un grelet.

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