GROSJEAN, Jean
Elégies XXVII
Quelle épée me partage l’âme, m’ouvre au milieu du cœur ce gouffre d’être séparé de toi et que tu meures de deuil et que je meure ?
Les roses ont la chair qui se décompose et l’eau pourrit dans les mares mais je crois que je connais la haine.
Les uhlans, les famines et les trépas foulent ce chemin où tu pleuras doucement notre jour dont déjà penchait la tête sur les collines à sépulcres.
N’étais-tu pas ma longue lumière d’été au soir de qui, accablé par l’amour, je sombrais dans un rêve obsédé d’astres ?
Quand le frémissement de ton approche me réveillait avant le chant du coq, n’aurai-je donc descellé mes paupières que pour me rendormir sur ma naissance ?
La destruction nous profane et son prince nous marche sur les yeux mais c’est en vain que ses démons me raclent la mémoire sous le crâne où ton nom ne cesse guère.
De quel puits sont sortis sur le monde tant de dieux souterrains avec leur face de houille et leurs tenailles sans empêcher tes os phosphorescents de traverser ma nuit ?
Certes je me tais mais les phrases en débris murmurent encore à la cime des trembles ton âme qu’elles cachaient.