LANZMANN, Jacques



L’opportuniste


Je suis pour le communisme

Je suis pour le socialisme

Et pour le capitalisme

Parce que je suis opportuniste


Il y en a qui contestent

Qui revendiquent et qui protestent

Moi je ne fais qu'un seul geste

Je retourne ma veste, je retourne ma veste

Toujours du bon côté


Je n'ai pas peur des profiteurs

Ni même des agitateurs

J'fais confiance aux électeurs

Et j'en profite pour faire mon beurre


Il y en a qui contestent

Qui revendiquent et qui protestent

Moi je ne fais qu'un seul geste

Je retourne ma veste, je retourne ma veste

Toujours du bon côté


Je suis de tous les partis

Je suis de toutes les party

Je suis de toutes les coteries

Je suis le roi des convertis


Il y en a qui contestent

Qui revendiquent et qui protestent

Moi je ne fais qu'un seul geste

Je retourne ma veste, je retourne ma veste

Toujours du bon côté


Je crie vive la révolution

Je crie vive les institutions

Je crie vive les manifestations

Je crie vive la collaboration


Non, jamais je ne conteste

Ni revendique ni ne proteste

Je ne sais faire qu'un seul geste

Celui de retourner ma veste, de retourner ma veste

Toujours du bon côté


Je l'ai tellement retournée

Qu'elle craque de tous côtés

À la prochaine révolution

Je retourne mon pantalon



Il Est Cinq Heures, Paris S'Eveille


Je suis l'dauphin d'la place Dauphine
Et la place Blanche a mauvais'mine.
Les camions sont pleins de lait.
Les balayeurs sont plein d'balais.

Il est cinq heures.
Paris s'éveille.
Paris s'éveille.

Les travestis vont se raser.
Les stripteaseuses sont rhabillées.
Les traversins sont écrasés.
Les amoureux sont fatigués.

Il est cinq heures ….

Le café est dans les tasses.
Les cafés nettoient leurs glaces
Et sur le boul'vard Montparnasse
La gare n'est plus qu'une carcasse.

Il est cinq heures...

Les banlieusards sont dans les gares.
À la Villette on tranche le lard.
Paris by-night regagne les cars.
Les boulangers font des bâtards.

Il est cinq heures...

La Tour Eiffel a froid aux pieds.
L'Arc De Triomphe est rallumé
Et l'Obélisque est bien dressé
Entre la nuit et la journée.

Il est cinq heures…


Les journaux sont imprimés.
Les ouvriers sont déprimés.
Les gens se lèvent, ils sont brimés
Et moi, c'est l'heure où j'vais me coucher.

Il est cinq heures.
Paris se lève.
Il est cinq heures.
Je n'ai pas sommeil.



Et moi et moi et moi


Sept cent millions de chinois

Et moi, et moi, et moi

Avec ma vie, mon petit chez-moi

Mon mal de tête, mon point au foie

J'y pense et puis j'oublie

C'est la vie, c'est la vie


Quatre-vingt millions d'Indonésiens

Et moi, et moi, et moi

Avec ma voiture et mon chien

Son Canigou quand il aboie

J'y pense et puis j'oublie

C'est la vie, c'est la vie


Trois ou quatre cent millions de noirs

Et moi, et moi, et moi

Qui vais au brunissoir

Au sauna pour perdre du poids

J'y pense et puis j'oublie

C'est la vie, c'est la vie


Trois cent millions de soviétiques

Et moi, et moi, et moi

Avec mes manies et mes tics

Dans mon p'tit lit en plume d'oie

J'y pense et puis j'oublie

C'est la vie, c'est la vie


Cinquante millions de gens imparfaits

Et moi, et moi, et moi

Qui regarde Catherine Langeais

A la télévision chez moi

J'y pense et puis j'oublie

C'est la vie, c'est la vie


Neuf cent millions de crève-la-faim

Et moi, et moi, et moi

Avec mon régime végétarien

Et tout le whisky que je m'envoie

J'y pense et puis j'oublie

C'est la vie, c'est la vie


Cinq cent millions de Sud-Américains

Et moi, et moi, et moi

Je suis tout nu dans mon bain

Avec une fille qui me nettoie

J'y pense et puis j'oublie

C'est la vie, c'est la vie


Cinquante millions de vietnamiens

Et moi, et moi, et moi

Le dimanche à la chasse aux lapins

Avec mon fusil, je suis le roi

J'y pense et puis j'oublie

C'est la vie, c'est la vie


Cinq cent milliards de petits martiens

Et moi, et moi, et moi

Comme un con de parisien

J'attends mon chèque de fin de mois

J'y pense et puis j'oublie

C'est la vie, c'est la vie