VALOIS, Marguerite de



Nos deux corps sont en toi,


Nos deux corps sont en toi,

Je le sais plus que d’ombre.

Nos amis sont à toi,

Je ne sais que de nombre.

Et puisque tu es tout

Et que je ne suis rien,

Je n’ai rien ne t’ayant

Ou j’ai tout, au contraire,

Avoir et tout et tien,

Comment se peut-il faire ?...

C’est que j’ai tous les maux

Et je n’ai point de biens.


Je vis par et pour toi

Ainsi que pour moi-même.

Tu vis par et pour moi

Ainsi que pour toi-même.


Le soleil de mes yeux,

Si je n’ai ta lumière,

Une aveugle nuée

Ennuie ma paupière.

Comme une pluie de pleurs

Découle de mes yeux,

Les éclairs de l’amour,

Les éclats de la foudre

Entrefendent mes nuits

Et m’écrasent en poudre.

Quand j’entonne les cris,

Lors, j’étonne les cieux.


Je vis par et pour toi

Ainsi que pour moi-même.

Tu vis par et pour moi

Ainsi que pour toi-même.


Nous n’aurons qu’une vie

Et n’aurons qu’un trépas.

Je ne veux pas ta mort,

Je désire la mienne.

Mais ma mort est ta mort

Et ma vie est la tienne.
Ainsi, je veux mourir

Et je ne le veux pas.