BRASSENS, Georges
Chanson Pour L'Auvergnat
Elle est à toi cette chanson
Toi l'Auvergnat qui sans façon
M'as donné quatre bouts de bois
Quand dans ma vie il faisait froid
Toi qui m'as donné du feu quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
M'avaient fermé la porte au nez
Ce n'était rien qu'un feu de bois
Mais il m'avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûle encore
A la manièr' d'un feu de joie
Toi l'Auvergnat quand tu mourras
Quand le croqu'mort t'emportera
Qu'il te conduise à travers ciel
Au père éternel
Elle est à toi cette chanson
Toi l'hôtesse qui sans façon
M'as donné quatre bouts de pain
Quand dans ma vie il faisait faim
Toi qui m'ouvris ta huche quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
S'amusaient à me voir jeûner
Ce n'était rien qu'un peu de pain
Mais il m'avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûle encore
A la manièr' d'un grand festin
Toi l'hôtesse quand tu mourras
Quand le croqu'mort t'emportera
Qu'il te conduise à travers ciel
Au père éternel
Elle est à toi cette chanson
Toi l'étranger qui sans façon
D'un air malheureux m'as souri
Lorsque les gendarmes m'ont pris
Toi qui n'as pas applaudi quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
Riaient de me voir emmener
Ce n'était rien qu'un peu de miel
Mais il m'avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûle encore
A la manièr' d'un grand soleil
Toi l'étranger quand tu mourras
Quand le croqu'mort t'emportera
Qu'il te conduise à travers ciel
Au père éternel
La tondue
La belle qui couchait avec le roi de Prusse
Avec le roi de Prusse
A qui l'on a tondu le crâne rasibus
Le crâne rasibus
Son penchant prononcé pour les " ich liebe dich ",
Pour les " ich liebe dich "
Lui valut de porter quelques cheveux postich's
Quelques cheveux postich's
Les braves sans-culott's et les bonnets phrygiens
Et les bonnets phrygiens
Ont livre sa crinière à un tondeur de chiens
A un tondeur de chiens
J'aurais dû prendre un peu parti pour sa toison
Parti pour sa toison
J'aurais dû dire un mot pour sauver son chignon
Pour sauver son chignon
Mais je n'ai pas bougé du fond de ma torpeur
Du fond de ma torpeur
Les coupeurs de cheveux en quatre m'ont fait peur
En quatre m'ont fait peur
Quand, pire qu'une brosse, elle eut été tondue
Elle eut été tondue
J'ai dit : " C'est malheureux, ces accroch'-cœur perdus
Ces accroch'-cœur perdus "
Et, ramassant l'un d'eux qui traînait dans l'ornière
Qui traînait dans l'ornière
Je l'ai, comme une fleur, mis à ma boutonnière
Mis à ma boutonnière
En me voyant partir arborant mon toupet
Arborant mon toupet
Tous ces coupeurs de natt's m'ont pris pour un suspect
M'ont pris pour un suspect
Comme de la patrie je ne mérite guère
Je ne mérite guère
J'ai pas la Croix d'honneur, j'ai pas la croix de guerre
J'ai pas la croix de guerre
Et je n'en souffre pas avec trop de rigueur
Avec trop de rigueur
J'ai ma rosette à moi: c'est un accroche-cœur
C'est un accroche-cœur
Supplique Pour Être Enterré À La Plage De Sête
La Camarde, qui ne m'a jamais pardonné
D'avoir semé des fleurs dans les trous de son nez,
Me poursuit d'un zèle imbécile.
Alors, cerné de près par les enterrements,
J'ai cru bon de remettre à jour mon testament,
De me payer un codicille.
Trempe, dans l'encre bleue du golfe du Lion,
Trempe, trempe ta plume, ô mon vieux tabellion,
Et, de ta plus belle écriture,
Note ce qu'il faudrait qu'il advînt de mon corps,
Lorsque mon âme et lui ne seront plus d'accord
Que sur un seul point : la rupture.
Quand mon âme aura pris son vol à l'horizon
Vers celles de Gavroche et de Mimi Pinson,
Celles des titis, des grisettes,
Que vers le sol natal mon corps soit ramené
Dans un sleeping du "Paris-Méditerannée",
Terminus en gare de Sète.
Mon caveau de famille, hélas ! n'est pas tout neuf.
Vulgairement parlant, il est plein comme un oeuf,
Et, d'ici que quelqu'un n'en sorte,
Il risque de se faire tard et je ne peux
Dire à ces brave gens "Poussez-vous donc un peu !"
Place aux jeunes en quelque sorte.
Juste au bord de la mer, à deux pas des flots bleus,
Creusez, si c'est possible, un petit trou moelleux,
Une bonne petite niche,
Auprès de mes amis d'enfance, les dauphins,
Le long de cette grève où le sable est si fin,
Sur la plage de la Corniche.
C'est une plage où, même à ses moments furieux,
Neptune ne se prend jamais trop au sérieux,
Où, quand un bateau fait naufrage,
Le capitaine crie : "Je suis le maître à bord !
Sauve qui peut ! Le vin et le pastis d'abord !
Chacun sa bonbonne et courage !"
Et c'est là que, jadis, à quinze ans révolus,
A l'âge où s'amuser tout seul ne suffit plus,
Je connus la prime amourette.
Auprès d'une sirène, une femme-poisson,
Je reçus de l'amour la première leçon,
Avalai la première arête.
Déférence gardée envers Paul Valéry,
Moi, l'humble troubadour, sur lui je renchéris,
Le bon maître me le pardonne,
Et qu'au moins, si ses vers valent mieux que les miens,
Mon cimetière soit plus marin que le sien,
Et n'en déplaise aux autochtones.
Cette tombe en sandwich, entre le ciel et l'eau,
Ne donnera pas une ombre triste au tableau,
Mais un charme indéfinissable.
Les baigneuses s'en serviront de paravent
Pour changer de tenue, et les petits enfants
Diront : "Chouette ! un château de sable !"
Est-ce trop demander... ! Sur mon petit lopin,
Plantez, je vous en prie, une espèce de pin,
Pin parasol, de préférence,
Qui saura prémunir contre l'insolation
Les bons amis venus fair' sur ma concession
D'affectueuses révérences.
Tantôt venant d'Espagne et tantôt d'Italie,
Tous chargés de parfums, de musiques jolies,
Le mistral et la tramontane
Sur mon dernier sommeil verseront les échos,
De villanelle un jour, un jour de fandango,
De tarentelle, de sardane...
Et quand, prenant ma butte en guise d'oreiller,
Une ondine viendra gentiment sommeiller
Avec moins que rien de costume,
J'en demande pardon par avance à Jésus,
Si l'ombre de ma croix s'y couche un peu dessus
Pour un petit bonheur posthume.
Pauvres rois, pharaons ! Pauvre Napoléon !
Pauvres grands disparus gisant au Panthéon !
Pauvres cendres de conséquence !
Vous envierez un peu l'éternel estivant,
Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant,
Qui passe sa mort en vacances
Vous envierez un peu l'éternel estivant
Qui fait du pédalo sur la plage en rêvant
Qui passe sa mort en vacances
Qui fait du pédalo sur la plage en rêvant
Qui passe sa mort en vacances
Cupidon s’en fout
Pour changer en amour notre amourette
Il s'en serait pas fallu de beaucoup
Mais, ce jour-là, Vénus était distraite
Il est des jours où Cupidon s'en fout
Il est des jours où Cupidon s'en fout
Des jours où il joue les mouches du coche
Où elles sont émoussées dans le bout
Les flèches courtoises qu'il nous décoche
Il est des jours où Cupidon s'en fout
Il est des jours où Cupidon s'en fout
Se consacrant à d'autres imbéciles
Il n'eut pas l'heur de s'occuper de nous
Avec son arc et tous ses ustensiles
Il est des jours où Cupidon s'en fout
Il est des jours où Cupidon s'en fout
On a tenté sans lui d'ouvrir la fête
Sur l'herbe tendre, on s'est roulés, mais vous
Avez perdu la vertu, pas la tête
Il est des jours où Cupidon s'en fout
Il est des jours où Cupidon s'en fout
Si vous m'avez donné toute licence
Le coeur, hélas, n'était pas dans le coup
Le feu sacré brillait par son absence
Il est des jours où Cupidon s'en fout
Il est des jours où Cupidon s'en fout
On effeuilla vingt fois la marguerite
Elle tomba vingt fois sur "pas du tout"
Et notre pauvre idylle a fait faillite
Il est des jours où Cupidon s'en fout
Il est des jours où Cupidon s'en fout
Quand vous irez au bois conter fleurette
Jeunes galants, le ciel soit avec vous
Je n'eus pas cette chance et le regrette
Il est des jours où Cupidon s'en fout
Il est des jours où Cupidon s'en fout
Les copains d’abord
Non, ce n'était pas le radeau
De la Méduse, ce bateau
Qu'on se le dise au fond des ports
Dise au fond des ports
Il naviguait en pèr' peinard
Sur la grand-mare des canards
Et s'app'lait les Copains d'abord
Les Copains d'abord
Ses fluctuat nec mergitur
C'était pas d'la litterature
N'en déplaise aux jeteurs de sort
Aux jeteurs de sort
Son capitaine et ses mat'lots
N'étaient pas des enfants d'salauds
Mais des amis franco de port
Des copains d'abord
C'étaient pas des amis de luxe
Des petits Castor et Pollux
Des gens de Sodome et Gomorrhe
Sodome et Gomorrhe
C'étaient pas des amis choisis
Par Montaigne et La Boetie
Sur le ventre ils se tapaient fort
Les copains d'abord
C'étaient pas des anges non plus
L'Évangile, ils l'avaient pas lu
Mais ils s'aimaient tout's voil's dehors
Tout's voil's dehors
Jean, Pierre, Paul et compagnie
C'était leur seule litanie
Leur Credo, leur Confiteor
Aux copains d'abord
Au moindre coup de Trafalgar
C'est l'amitié qui prenait l'quart
C'est elle qui leur montrait le nord
Leur montrait le nord
Et quand ils étaient en détresse
Qu'leurs bras lancaient des S.O.S.
On aurait dit les sémaphores
Les copains d'abord
Au rendez-vous des bons copains
Y avait pas souvent de lapins
Quand l'un d'entre eux manquait a bord
C'est qu'il était mort
Oui, mais jamais, au grand jamais
Son trou dans l'eau n'se refermait
Cent ans après, coquin de sort
Il manquait encore
Des bateaux j'en ai pris beaucoup
Mais le seul qu'ait tenu le coup
Qui n'ai jamais viré de bord
Mais viré de bord
Naviguait en père peinard
Sur la grand-mare des canards
Et s'app'lait les Copains d'abord
Les Copains d'abord
Des bateaux j'en ai pris beaucoup
Mais le seul qu'ait tenu le coup
Qui n'ai jamais viré de bord
Mais viré de bord
Naviguait en père peinard
Sur la grand-mare des canards
Et s'app'lait les Copains d'abord
Les Copains d'abord
Les deux oncles
C'était l'oncle Martin, c'était l'oncle Gaston
L'un aimait les Tommies, l'autre aimait les Teutons
Chacun, pour ses amis, tous les deux ils sont morts
Moi, qui n'aimais personne, eh bien, je vis encore
Maintenant, chers tontons, que les temps ont coulé
Que vos veuves de guerre ont enfin convolé
Que l'on a requinqué, dans le ciel de Verdun
Les étoiles ternies du maréchal Pétain
Maintenant que vos controverses se sont tues
Qu'on s'est bien partagé les cordes des pendus
Maintenant que John Bull nous boude, maintenant
Que c'en est fini des querelles d'Allemand
Que vos fill's et vos fils vont, la main dans la main
Faire l'amour ensemble et l'Europ' de demain
Qu'ils se soucient de vos batailles presque autant
Que l'on se souciait des guerres de Cent Ans
On peut vous l'avouer, maintenant, chers tontons
Vous l'ami les Tommies, vous l'ami des Teutons
Que, de vos vérités, vos contrevérités
Tout le monde s'en fiche à l'unanimité
De vos épurations, vos collaborations
Vos abominations et vos désolations
De vos plats de choucroute et vos tasses de thé
Tout le monde s'en fiche à l'unanimité
En dépit de ces souvenirs qu'on commémor'
Des flammes qu'on ranime aux monuments aux Morts
Des vainqueurs, des vaincus, des autres et de vous
Révérence parler, tout le monde s'en fout
La vie, comme dit l'autre, a repris tous ses droits
Elles ne font plus beaucoup d'ombre, vos deux croix
Et, petit à petit, vous voilà devenus
L'Arc de Triomphe en moins, des soldats inconnus
Maintenant, j'en suis sûr, chers malheureux tontons
Vous, l'ami des Tommies, vous, l'ami des Teutons
Si vous aviez vécu, si vous étiez ici
C'est vous qui chanteriez la chanson que voici
Chanteriez, en trinquant ensemble à vos santés
Qu'il est fou de perdre la vie pour des idées
Des idées comme ça, qui viennent et qui font
Trois petits tours, trois petits morts, et puis s'en vont
Qu'aucune idée sur terre est digne d'un trépas
Qu'il faut laisser ce rôle à ceux qui n'en ont pas
Que prendre, sur-le-champ, l'ennemi comme il vient
C'est de la bouillie pour les chats et pour les chiens
Qu'au lieu de mettre en joue quelque vague ennemi
Mieux vaut attendre un peu qu'on le change en ami
Mieux vaut tourner sept fois sa crosse dans la main
Mieux vaut toujours remettre une salve à demain
Que les seuls généraux qu'on doit suivre aux talons
Ce sont les généraux des p'tits soldats de plomb
Ainsi, chanteriez-vous tous les deux en suivant
Malbrough qui va-t-en guerre au pays des enfants
O vous, qui prenez aujourd'hui la clé des cieux
Vous, les heureux coquins qui, ce soir, verrez Dieu
Quand vous rencontrerez mes deux oncles, là-bas
Offrez-leur de ma part ces "Ne m'oubliez pas"
Ces deux myosotis fleuris dans mon jardin
Un p'tit forget me not pour mon oncle Martin
Un p'tit vergiss mein nicht pour mon oncle Gaston
Pauvre ami des Tommies, pauvre ami des Teutons
Le gorille
C'est à travers de larges grilles
Que les femelles du canton
Contemplaient un puissant gorille
Sans souci du qu'en dira-t-on
Avec impudeur, ces commères
Lorgnaient même un endroit précis
Que, rigoureusement ma mère
M'a défendu d'nommer ici
Gare au gorille
Tout à coup la prison bien close
Où vivait le bel animal
S'ouvre on n'sait pourquoi, je suppose
Qu'on avait dû la fermer mal
Le singe en sortant de sa cage,
Dit « c'est aujourd'hui que j'le perds »
Il parlait de son pucelage
Vous aviez deviné j'espère
Gare au gorille
L'patron de la ménagerie
Criait éperdu « nom de nom,
C'est assommant car le gorille
N'a jamais connu de guenon »
Dès que la féminine engeance
Sut que le singe était puceau
Au lieu de profiter d'la chance
Elle fit feu des deux fuseaux
Gare au gorille
Celles-là même, qui naguère
Le couvaient d'un oeil décidé,
Fuirent prouvant qu'elles n'avaient guère
De la suite dans les idées
D'autant plus vaine était leur crainte
Que le gorille est un luron
Supérieur à l'homme dans l'étreinte
Bien des femmes vous le diront
Gare au gorille
Tout le monde se précipite
Hors d'atteinte du singe en rut,
Sauf une vieille décrépite
Et un jeune juge en bois brut
Voyant que toutes se dérobent
Le quadrumane accéléra,
Son dandinement vers les robes
De la vieille et du magistrat
Gare au gorille
« Bah ! » Soupirait la centenaire
« Qu'on put encore me désirer,
Ce serait extraordinaire
Et, pour tout dire, inespéré »
Le juge pensait, impassible,
« Qu'on me prenne une guenon,
C'est complètement impossible »
La suite lui prouva que non
Gare au gorille
Supposez qu'un de vous puisse être
Comme le singe obligé de
Violer un juge ou une ancêtre
Lequel choisirait-il des deux.
Qu'une alternative pareille
Un de ces quatre jours m'échoie
C'est, j'en suis convaincu, la vieille
Qui sera l'objet de mon choix
Gare au gorille
Mais par malheur si le gorille
Aux jeux de l'amour vaut son prix,
On sait qu'en revanche il ne brille
Ni par le goût ni par l'esprit,
Lors, au lieu d'opter pour la vieille,
Comme aurait fait n'importe qui,
Il saisit le juge à l'oreille
Et l'entraîna dans un maquis
Gare au gorille
La suite serait délectable
Malheureusement je ne peux,
Pas la dire et c'est regrettable
Ça nous aurait fait rire un peu.
Car le juge au moment suprême
Criait « Maman », pleurait beaucoup,
Comme l'homme auquel, le jour même,
Il avait fait trancher le cou
Gare au gorille
Nous terminerons cette histoire
Par un conseil aux chats-fourrés
Redoutant l’attaque notoire
Qu’un d’eux subit dans des fourrés :
Quand un singe fauteur d'opprob’e
Hante les rues de leur quartier
Ils n’ont qu’à retirer leur robe
Ou mieux à changer de métier.
Le pornographe
Autrefois, quand j'étais marmot, j'avais la phobie des gros mots
Et si j'pensais "merde" tout bas, je ne le disais pas mais
Aujourd'hui que mon gagne-pain c'est d'parler comme un turlupin
Je n'pense plus "merde" pardi, mais je le dis
J'suis l'pornographe du phonographe
Le polisson de la chanson
Afin d'amuser la galerie je crache des gauloiseries
Des pleines bouches de mots crus tout à fait incongrus mais
En m'retrouvant seul sous mon toit, dans ma psyché j'me montre au doigt
Et m'crie "va t'faire, homme incorrect, voir par les Grecs"
J'suis l'pornographe du phonographe
Le polisson de la chanson
Tous les samedis j'vais à confesse, m'accuser d'avoir parlé d'fesses
Et j'promets ferme au marabout, de les mettre tabou mais
Craignant, si je n'en parle plus, d'finir à l'Armée du Salut
Je r'mets bientôt sur le tapis, les fesses impies
J'suis l'pornographe du phonographe
Le polisson de la chanson
Ma femme est, soit dit en passant, d'un naturel concupiscent
Qui l'incite à se coucher nue sous le premier venu mais
M'est-il permis, soyons sincères, d'en parler au café-concert
Sans dire qu'elle a, suraigu, le feu au cul?
J'suis l'pornographe du phonographe
Le polisson de la chanson
J'aurais sans doute du bonheur et peut-être la Croix d'Honneur
À chanter avec décorum l'amour qui mène à Rome mais
Mon ange m'a dit "turlututu, chanter l'amour t'est défendu
S'il n'éclot pas sur le destin d'une putain"
J'suis l'pornographe du phonographe
Le polisson de la chanson
Et quand j'entonne, guilleret à un patron de cabaret
Une adorable bucolique, il est mélancolique et
Me dit, la voix noyée de pleurs "s'il vous plaît de chanter les fleurs
Qu'elles poussent au moins rue Blondel dans un bordel"
J'suis l'pornographe du phonographe
Le polisson de la chanson
Chaque soir avant le dîner à mon balcon mettant le nez
Je contemple les bonnes gens dans le soleil couchant mais
N'me d'mandez pas d'chanter ça, si vous redoutez d'entendre ici
Que j'aime à voir, de mon balcon passer les cons
J'suis l'pornographe du phonographe
Le polisson de la chanson
Les bonnes âmes d'ici bas comptent ferme qu'à mon trépas
Satan va venir embrocher ce mort mal embouché mais
Mais veuille le grand manitou pour qui le mot n'est rien du tout
Admettre en sa Jérusalem à l'heure blême
Le pornographe du phonographe
Le polisson de la chanson