ESQUIROS, Alphonse


Avez-vous quelquefois


Avez-vous quelquefois, aux heures de la brume,

Désolé comme un roi, triste comme un amant,

Vu le sombre océan, attiré par la lune

Poussant ses flots en l’air, monter fatalement?


Phébé du haut du ciel regarde, calme et douce,

L’océan dans son flux, qui s’agite là-bas,

Et qui, grondant d’amour, sur sa couche de mousse

Morne, semble vouloir la prendre dans ses bras.


Ainsi dans la nuit sombre, ainsi lune d’opale

Allant chercher d’en bas votre regard vainqueur,

O ma brune amoureuse! ô beauté triste et pâle!

Ainsi monte vers vous l’océan de mon coeur.


Le ciel de la prison

Le ciel de la prison est un ciel monotone;

En vain le soleil rit au retour du printemps,

C’est toujours le brouillard et c’est toujours l’automne,

Qui pleure à petit bruit sur nos fronts pénitents.

Comme le martinet et la jeune hirondelle,

Qui par le temps de pluie, ignorante des rets,

Sous un ciel nébuleux rase du bout de l’aile

Le flot mort et stagnant des stériles marais;


Oiseau triste et captif, vers l’horizon sans borne

Ne pouvant s’élever ni prendre ses ébats,

Aux marais de l’ennui, perpétuel et morne,

Sous les murs du cachot mon esprit vole bas.