MAROT, Clément
Amour me voyant sans tristesse
Amour me voyant sans tristesse,
Et de le servir desgouté,
M’a dit que fisse une maistresse,
Et qu’il seroit de mon costé
Après l’avoir bien escouté,
J’en ay fait une à ma plaisance.
Et ne me suis point mesconté ;
C’est bien la plus belle de France
C’est bien la plus belle la plus belle de France
C’est bien la plus belle la plus belle de France.
Elle a un œil riant qui blesse
Mon cœur tout plein de loyauté,
Et parmy sa haute noblesse
Mesle une douce privauté.
Grand mal seroit si cruauté
Faisoit en elle demourance ;
Car, quant à parler de beauté,
C’est bien la plus belle de France
…..
De fuir l’amour qui m’oppresse
Je n’ay pouvoir ne volonté,
Arresté suis en ceste presse
Comme l’arbre en terre planté.
S’esbahit-on si j’ay planté
De peine, tourment, et souffrance ?
Pour moins on est bien tourmenté :
C’est bien la plus belle de France
…..
Epigramme CLII
Amour trouva celle qui m'est amère,
Et j'y estois, j'en sçai bien mieux le compte,
Bon jour, dit-il; bon jour Vénus ma mère.
Puis tout à coup il voit qu'il se mescompte,
Dont la couleur au visage lui monte
D'avoir failli, honteux, Dieu sçait combien.
Non, non, Amour, ce dis-je, n'ayez honte,
Plus clairvoyans que vous s'y trompent bien.
Adieu la cour, adieu les dames
Adieu la cour, adieu les dames,
adieu la ville adieu les femmes,
adieu vous dis pour quelque temps,
adieu vos plaisants passetemps,
adieu le bal, adieu la danse,
adieu mesure adieu cadence
Adieu tambourins, violons,
puisqu’à la guerre nous allons,
adieu tambourins, violons,
puisqu’à la guerre nous allons.
Adieu la lettre adieu le page,
adieu l’aubade et l’équipage,
adieu les regards gracieux
messagers des cœurs soucieux,
adieu les intimes pensées
par le bruit des clairons chassées.
Adieu tambourins, violons,
…..
Adieu ma mie la dernière
en vertus en beauté première,
vous prie me rendre à présent,
le cœur dont je vous fis présent,
pour en la guerre me faut être,
en faire service à mon maître.
Adieu tambourins, violons,
…..
Je suis aimé de la plus belle
Je suis aimé de la plus belle
Qui soit vivant dessous les cieux :
Encontre tous faux envieux
Je la soutiendrai être telle.
Si Cupido doux et rebelle
Avait débandé ses deux yeux,
Pour voir son maintien gracieux,
Je crois qu'amoureux serait d'elle.
Vénus, la Déesse immortelle,
Tu as fait mon coeur bien heureux,
De l'avoir fait être amoureux
D'une si noble Damoiselle.
De soi-même
Plus ne suis ce que j'ai été,
Et ne le saurais jamais être.
Mon beau printemps et mon été
Ont fait le saut par la fenêtre.
Amour, tu as été mon maître,
Je t'ai servi sur tous les Dieux.
Ah si je pouvais deux fois naître,
Comme je te servirais mieux !
Du beau tétin
Tétin refait, plus blanc qu'un œuf,
Tétin de satin blanc tout neuf,
Tétin qui fait honte à la rose
Tétin plus beau que nulle chose ;
Tétin dur, non pas Tétin, voire,
Mais petite boule d'ivoire,
Au milieu duquel est assise
Une fraise, ou une cerise,
Que nul ne voit, ne touche aussi,
Mais je gage qu'il est ainsi.
Tétin donc au petit bout rouge,
Tétin qui jamais ne se bouge,
Soit pour venir, soit pour aller,
Soit pour courir, soit pour baller.
Tétin gauche, Tétin mignon,
Toujours loin de son compagnon,
Tétin qui porte témoignage
Du demeurant du personnage.
Quand on te voit, il vient à maint
Une envie (5) dedans les mains
De te tâter, de te tenir ;
Mais il se faut bien contenir
D'en approcher, bon gré ma vie,
Car il viendrait une autre envie.
O Tétin ni grand ni petit,
Tétin mûr, Tétin d'appétit,
Tétin qui nuit et jour criez :
« Mariez-moi tôt, mariez ! »
Tétin qui t'enfles, et repousses
Ton gorgerin de deux bons poulses
A bon droit heureux on dira
Celui qui de lait t'emplira,
Faisant d'un Tétin de pucelle
Tétin de femme entière et belle.
De la jeune dame qui a vieil mari
En languissant et en griève tristesse
Vit mon las coeur, jadis plein de liesse,
Puisque l'on m'a donné mari vieillard.
Hélas, pourquoi ? Rien ne sait du vieil art
Qu'apprend Vénus, l'amoureuse déesse.
Par un désir de montrer ma prouesse
Souvent l'assaus : mais il demande : " où est-ce ? ",
ou dort (peut-être), et mon coeur veille à part
En languissant.
Puis quand je veux lui jouer de finesse,
Honte me dit : " Cesse, ma fille, cesse,
Garde-t'en bien, à honneur prends égard. "
Lors je réponds : " Honte, allez à l'écart :
Je ne veux pas perdre ainsi ma jeunesse
En languissant. "
Tant que vivrai en âge florissant
Tant que vivrai en âge florissant,
Je servirai Amour, le Dieu puissant,
En faits et dits, en chansons et accords.
Par plusieurs jours m'a tenu languissant,
Mais après deuil m'a fait réjouissant,
Car j'ai l'amour de la belle au gent corps.
Son alliance,
Est ma fiance :
Son coeur est mien,
Mon coeur est sien :
Fi de tristesse,
Vive liesse,
Puisqu'en Amour a tant de bien.
Quand je la veux servir et honorer,
Quand par écrits veux son nom décorer,
Quand je la vois et visite souvent,
Les envieux n'en font que murmurer.
Mais notre Amour n'en saurait moins durer :
Autant ou plus en emporte le vent.
Maulgré envie
Toute ma vie
Je l'aimerai,
Et chanterai :
C'est la première,
C'est la dernière,
Que j'ai servie, et servirai.
Puisque de vous je n’ai autre visage
Puisque de vous ne j’ai autre visage,
Je m’en vais rendre hermite en un désert,
Pour prier Dieu, pour prier Dieu, si un autre vous sert,
Qu’autant que moi, en votre honneur soit sage.
Je m’en vais rendre hermite en un désert.
Adieu, amours, adieu, gentil corsage,
Adieu, ces si beaux yeux ;
Je n’ai pas eu de vous grand avantage ;
Un moins aimant aura peut-être mieux.
Un moins aimant aura peut-être mieux.
De sa grande amie
Dedans Paris, ville jolie,
Un jour, passant mélancolie,
Je pris alliance nouvelle
À la plus gaie demoiselle
Qui soit d’ici en Italie.
D’honnêteté elle est saisie,
Et crois (selon ma fantaisie)
Qu’il n’en est guère de plus belle
Dedans Paris.
Je ne la vous nommerai mie,
Sinon que c’est ma grande amie ;
Car l’alliance se fit telle
Par un doux baiser que j’eus d’elle,
Sans penser aucune infamie,
Dedans Paris.
La plus belle des trois sera
La plus belle des trois sera
Language: French (Français)
La plus belle des trois sera
Celle qui mourir me fera,
Ou qui me fera du tout vivre :
Car de mon mal seray delivre,
Quand à sa puissance plaira.
Pallas point ne m'y aydera,
Juno point ne s'en meslera :
Mais Venus que j'ay voulu suyvre,
Me dira bien, tien je te livre
Celle qui ravy ton cueur a.