LEPRINCE DE BAUMONT, Jeanne-Marie



La Belle et la Bête

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Mangez donc, la Belle, lui dit le monstre, et tâchez de ne vous point ennuyer dans votre maison ; car tout ceci est à vous ; et j’aurais du chagrin si vous n’étiez pas contente. Vous avez bien de la bonté, lui dit la Belle ; je vous avoue que je suis bien contente de votre cœur ; quand j’y pense, vous ne me paraissez plus si laid. Oh ! dame oui, répondit la Bête, j’ai le cœur bon, mais je suis un monstre. Il y a bien des hommes qui sont plus monstres que vous, dit la Belle, et je vous aime mieux avec votre figure que ceux qui, avec la figure d’hommes, cachent un cœur faux, corrompu, ingrat. Si j’avais de l’esprit, reprit la Bête, je vous ferais un grand compliment pour vous remercier ; mais je suis un stupide, et tout ce que je puis vous dire, c’est que je vous suis bien obligé.

La Belle soupa de bon appétit. Elle n’avait presque plus peur du monstre ; mais elle manqua mourir de frayeur, lorsqu’il lui dit : La Belle, voulez-vous être ma femme ? Elle fut quelque temps sans répondre : elle avait peur d’exciter la colère du monstre en le refusant ; elle lui dit pourtant en tremblant : Non, la Bête.

Dans ce moment ce pauvre monstre voulut soupirer, et il fit un sifflement si épouvantable, que tout le palais en retentit ; mais la Belle fut bientôt rassurée, car la Bête lui ayant dit tristement, adieu donc, la Belle, elle sortit de la chambre en se retournant de temps en temps pour la regarder encore.

La Belle, se voyant seule, sentit une grande compassion pour cette pauvre Bête. Hélas ! disait-elle, c’est bien dommage qu’elle soit si laide : elle est si bonne !

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