GUILLEVIC
Ne se laissent pas faire
Comme des catafalques.
Est étrangère.
La voix qui psalmodiait
Les secrets de la honte.
Tâtonnant sur les mots.
Au ton qui la prendra.
Que l'horreur exigeait.
Couleur de sang qui coule,
Dans les bois qu'il angoisse.
Les mots qu'il fallait dire,
Et si la nuit perce en plein jour.
Assassiné, pris dans les mouches.
Et des caresses pour déjà morts,
De prendre pied,
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Laten zich niet kisten
Als katafalken.
Is vreemd.
De stem die de geheimen
Van de schande afdreunde.
Woorden aftastend,
Aan de toon die zal gezet worden.
Die paste bij de verschrikking,
Kleur van bloed dat vloeit,
En jaagt angst door het bos.
Woorden die moesten worden gezegd
En als de nacht door ’t daglicht breekt.
Vermoord, vergeven van vliegen.
Teder kust en streelt,
Vaste voet te krijgen.
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L’arbre
Au-dehors l’arbre est là et c’est bon qu’il soit là,
Signe constant des choses qui plongent dans l’argile.
Il est vert, il est grand, il a des bras puissants.
Ses feuilles comme des mains d’enfant qui dort
S’émeuvent et clignent.
Image
Sous les herbes, ça se cajole,
Ca s’ébouriffe et se tripote,
Ca s’étripe et se désélytre,
Ca s’entregrouille et s’entrefouille,
Ca s’écrabouille et se barbouille,
Ca se chatouille et se dépouille,
Ca se mouille et se déverrouille,
Ca se dérouille et se farfouille,
Ca s’épouille et se tripatouille –
Et du calme le pré
Est la classique image.
Elégie
Il y eut les violettes
Dont tu me fis l'honneur
Et celles qui venaient
Dans le hasard des bois,
Qui voulaient m'amener
Au pays d'où venait
La puissance de tes violettes.
Lorsque nous tremblions
L'un contre l'autre dans le bois
Au bord du ruisseau,
Lorsque nos corps
Devenaient à nous,
Lorsque chacun de nous
S'appartenait dans l'autre
Et qu'ensemble nous avancions,
C'était alors aussi
La teneur du printemps
Qui passait dans nos corps
Et qui se connaissait.
La tendre terre humide
Où venaient les violettes,
Comme elle était pareille
A ce que nous portions.
Quand nos doigts emmêlés
Nous apportaient le monde
Et nous le confiaient
Pour notre éternité,
Nous n'avons pas forfait,
Tu le sais, mais tremblé,
Car l'espace attendait
De toute éternité.
Je t'ai portée en terre
Sur mes bras fatigués.
Je croyais à l'époque
Qu'ensemble nous allions
Vers une éternité
Et que tu me voyais
Te porter sur mes bras
Vers cette éternité.
*
A l'orée d'un grand bois,
Quand le soleil venait
Me parler autrement
De ce que nous étions,
Étendre devant moi
La verdure et les terres,
Qu'est-ce que tu voulais
Que je fasse de moi?
*
Je serais descendu
Jusqu'aux lointains rivages
Où l'on parque les morts,
Je serais descendu
Au creux des profondeurs
Pour être même une ombre
A côté de ton ombre,
Mais la terre est opaque
Et ne connaît les morts
Que pour les envahir.
•
Je t'ai cherchée
Dans tous les regards
Et dans l'absence de regards,
Dans toutes les robes dans le vent,
Dans toutes les eaux qui se sont gardées,
Dans le frôlement des mains,
Dans les couleurs des couchants,
Dans les mêmes violettes,
Dans les ombres sous tous les hêtres,
Dans mes moments qui ne servaient à rien,
Dans le temps possédé,
Dans l'horreur d'être là,
Dans l'espoir toujours
Que rien n'est sans toi,
Dans la terre qui monte
Pour le baiser définitif,
Dans un tremblement
Où ce n'est pas vrai
Que tu n'y es pas.
Je t'ai cherchée
Dans la rosée abandonnée.
Dans le noisetier qui garde un secret
Prêt à s'échapper,
Dans le ruisseau,
Il se souvient.
Dans le bêlement des chevreaux de lait,
Dans les feuilles des haies,
Presque pareilles aux nôtres,
Dans les cris du lointain coucou,
Dans les sous-bois qui vont
Où nous voulions aller.
Je t'ai cherchée dans les endroits
Où la verticale
Voudrait s'allonger.
Je t'ai cherchée là
Où rien n'interroge.
J'ai cherché ces lieux.
Je t'ai cherchée
Dans le chant du merle
Qui dit le passé parmi l'avenir,
Dans l'espace qu'il veut bâtir.
Dans la lumière et les roseaux
Près des étangs où rien ne s'oublie.
C'est dans mes joies
Que je t'ai trouvée.
Ensemble nous avons
Fait s'épaissir le soir
Et dorloté des corps
Impatients de servir.
J'ai appris qu'une morte
Soustraite, évanouie,
Peut devenir soleil.
Le soleil aujourd'hui, je me le suis donné
Le soleil aujourd'hui,
Je me le suis donné.
J'en ai mis plein mes poches
Et dans d'autres endroits
Où mes mains ne vont pas.
Je peux escalader
Ce qui me séparait.
Je peux montrer aux gens
Comment c'est, la lumière.
Aujourd’hui, c’est le jour du soleil
Aujourd'hui,
C'est le jour du soleil.
Il n'est pas triomphal,
Il n'est pas solennel,
Ik est content d'être soleil.
Toutes les choses
Se plaisent à la définition
Qu'elles se donnent.
C'est le jour
Où le soleil écrit son poème.
Carnac
Mer au bord du néant
Qui se mêle au néant
Pour mieux savoir le ciel,
Les plages, les rochers,
Pour mieux les recevoir.
…..
Femme vêtue de peau
Qui façonne nos mains,
Sans la mer dans tes yeux,
Sans ce goût de la mer que nous prenons en toi,
Tu n'excéderais pas
Le volume des chambres.
…..
J'ai joué sur la pierre
De mes regards et de mes doigts
Et mêlées à la mer,
S'en allant sur la mer,
Revenant par la mer,
J'ai cru à des réponses de la pierre.
…..
Ne jouerons-nous jamais
Ne serait-ce qu'une heure,
Rien que quelques minutes,
Océan solennel,
Sans que tu aies cet air
De t'occuper ailleurs ?
…..
Je veux te préférer,
Incernable océan,
Les bassins que tu fais
Jusqu'aux marais salants.
Là je t'ai vu dormir
Avec d'autres remords.
…..
Mer sans vieillesse,
Sans plaie à refermer,
Sans ventre apparemment
…..
De la mer aux menhirs,
Des menhirs à la mer,
La même route avec deux vents contraire
Et celui de la mer
Plein du meurtre de l'autre.
…..
Le soleil, la mer,
Lequel de vous deux
Prétend calmer l'autre
Au moyen de quoi ?
…..
Toujours les mêmes terres
A caresser toujours
Jamais un corps nouveau
Pour t'essayer à lui.
…..
Pour garder tes nuits,
As-tu supplié
Parfois les rochers ?
…..
Ton père :
Le silence.
Ton devoir :
Le mouvement.
Ton refus :
La brume.
Tes rêves.
…..
Alignés, les menhirs,
Comme si d'être en ligne
Devait donner des droits.
…..
Toi, ce creux
Et définitif
Moi qui rêvais
De faire équilibre.