SEGALAS, Anaïs


Les Morts


J’étais au cimetière, et j’y rêvais un soir,

Regardant les tombeaux et les croix de bois noir,

Et tous les noms gravés, noms de cendres humaines

Je marchais au milieu de deux files de morts,

Songeant que je sentais seule, entre tous ces corps,

Un cœur dans la poitrine et du sang dans les veines.

…..
Le ciel resta voilé. « Que deviennent les morts ? »

Dis-je aux tombeaux : je vis dans les fosses, alors,

Des chairs où mille vers font des festins profanes,

De longs squelettes creux, des corps de marbre blanc,

De la poussière d’homme : et je crus, en tremblant,

Lire le mot néant écrit sur tous les crânes.

…..
Je disais : « Les morts n’ont que la tombe glacée,

Nul n’est dans ce ciel vide; et, dans leur trou profond ,

Nul désir, nul penser, n’éclosent sous leur front:

Ces cerveaux s’en allant en poussière, ce sont

Les cadavres de leur pensée.

…..
« Ils ont les os disjoints et l’orbite béant,

Un crâne aux larges trous, des dents sans lèvre rose,

Des membres dont la chair tombe et se décompose :

Êtres à part, sans nom, ils sont plus qu’une chose,

Moins qu’un homme ; ce sont les hommes du néant.

…..