BERTIN, Jacques
J'étais l'enfant qui se croyait moins beau Je vivais déjà dans les pages vides Où je cherchais des sources d'eaux
Qui s'appuyait, qu'on retrouvait dormant Je connaissais les voix qui, dans les Dombes, Nidifient sous les mille étangs
Au regard vain dans la ville égaré L'homme qui campe à l'écart de l'époque Tisonnant ses doutes pour s'y chauffer
Dans l'écrin gris des charmes sans raison Où des airs vieux palpitaient sous la lune J'aurai laissé des chairs aux ronces, des chansons
Les émeraudes du val interdit Toutes les belles ruines du silence Tout ce qui ne sera pas dit !
Il faut que tu t'en remettes à mon mal Ne trahis pas, vois la plaie où s'épanche Tout un monde animal
Il écoute la pluie sur les toits bleus Les cœurs sont effondrés, le clocher sonne Que faire sans toi quand il pleut ?
Je ne brûle plus, non, ce sont mes liens Les sabots des armées m'ont piétiné sans trêve J'écris dans le ciel vide et vous n'y lirez rien
|
het kind dat zich niet kreeg verkocht, ik leefde al in de lege pagina's waar ik naar waterbronnen zocht.
van een schaduw, hij die men slapend vond, ik kende stemmen die in de Dombes* kreunden, die nestelen onder duizend meren in het rond.
met de vergeefse blik in de verloren stad, de man die staat buiten de tijd op wacht, die twijfels kweekte zodat hij het warm had.
in ’t grijze schrijn der beuken, zonder reden, waarin oude deuntjes zongen onder de maan, mijn vlees rust in de bramen, de liedjes overleven.
smaragden van het verloren dal, alle ruïnes van de stilte, zo schoon, alles wat nooit gezegd zijn zal.
moet je je overgeven aan mijn pijn, pleeg geen verraad, kijk naar mijn wonden, waar een ganse dierenwereld in verschijnt.
het luistert naar regen op de blauwe daken, de klokken luiden, de harten zijn gebroken, waar zou ik als ‘t regent zonder jou geraken?
ik brand niet meer, nee, het zijn mijn banden, soldatenschoenen hebben me gestaag vertrapt,
ik schrijf in lege lucht, je zal er in verzanden.
|
Je voudrais une fête étrange et très calme
Je voudrais une fête étrange et très calme
Avec des musiciens silencieux et doux
Ce serait par un soir d'automne un dimanche
Un manège très lent, une fine musique
Des femmes nues assises sur la pierre blanche
Se baissent pour nouer les lacets des enfants
Des enfants en rubans et qui tirent des cerfs-volants blancs
Les femmes fredonnent un peu, leur tête penche
Je voudrais d'éternelles chutes de feuilles
L'amour en un sanglot, un sourire léger
Comme on fait entre ses doigts glisser des herbes
Des femmes calmement éperdues, allongées
Des serpentins qui voguent comme des prières
Une danse dans l'herbe et le ciel gris très bas
Lentement. Et le blanc et le roux et le gris et le vert
Et des fils de la vierge pendent sur nos bras
Et mourir aux genoux d'une femme très douce
Des balançoires vont et viennent des appels
Doucement. Sur son ventre lourd poser ma tête
Et parler gravement des corps. Le jour s'en va
Des dentelles, des tulles, dans l'herbe une brise
Dans les haies, des corsages, pendent des nylons
Des cheveux balancent mollement, on voit des nuques grises
Et les bras renvoient vaguement de lourds ballons
Adieu, amis de ma jeunesse
Ecoutez-moi bien, messieurs-dames
Spectateurs, bourgeois ébaubis
Amateurs d’émotion, de drames
Pas par hasard entrés ici
Je vais vous parler sans mystère
Si j’eus vraiment de bons amis
Ce furent ces quatre compères
Voici l’histoire, les voici :
Je les ai connus hommes libres
Une guitare à gouverner
Un sandwich, une fille, un livre
Des théories plein les trous de nez
Tout ce qui rêve et ce qui vibre
De Rennes à St Germain-des-prés
O l’amitié, ô chanson vive
Et ah les cinq bons escholiers !
Ah que les filles étaient belles
Et que nous perdîmes du temps
Au Navigator, chez Michèle
Et nous eûmes bien nos trente ans !
On fait le con, on fait le pitre
Mais voici la blessure nue
La rayure sur la vitre
La flèche qui monte aux nues
Mais vous étiez trop gais, trop tristes
Trop dans les mots votre chanson
Elitiste ! Intimiste !
I’ fait pas très radio ton son
Eh bien vous vécûtes sans gloire
Sans journalistes, sans avions
A d’autres la trajectoire
La mangeoire, le pognon
Ainsi moururent mes poètes
Ainsi vécurent mes amis
On connaît ça depuis des siècles
Et on s’en est toujours remis
Les arts et lettres, la joncaille
C’est pour les gagneurs pas les mous
Fausses révoltes, vraies canailles
Ils auront tous roulé sur nous
Le rock and roll et la cam'lote
Tout’ la quincaille et les bidons
Ces vieillards fumant dans les chiottes
La tête et la musique en plomb
Et puis y’a eu le show biznesse
Ah célébrons ce pur joyau
Un bulldozer, beaucoup d’finesse
De la vaseline et des tuyaux
Attention, y’a pas qu’ le chaubise
Y’a aussi le haut du panier
Y’a le vice après la bêtise
Y’a les flics après les pompiers
La création subventionnable
La Contemporanéité
Le Dérangeant, le Respectable
Le Haut niveau, l’estampillé
Tandis qu’aux banquets du Ministre
Ceux-là faisaient pipi en rond
Avec un entregent sinistre
Nous étions libres, nous mourions
Les budgets, toute la boustifaille
Partagez-vous ça entre vous
Etouffez dans la charcutaille
Bouffez-vous entre vous !
T’es trop coco Brua mon pote
T’as qu’un seul accord mon Gillou
Mon Juvinos t’éructes et rotes
Vascounet redescend vers nous
A nous l’éternelle jeunesse
Qui parie tout, exigeant rien
Sauf la dignité – quoi ? qu’est-ce ?
Ce mot pas clair ? eh Tintin !
Vraiment j’crois pas qu’tu réalises !
C’est pas très viril, chanter bien !
I’ faudrait que tu t’électrises
…Comme ça tu f’rais pt’êt’ moins chrétien...
Les gars, la poilade est totale
Les mots, ah si on y croyait
A la parole ! A la loyale !
...Victoire de Johnny Halliday !
O amis, purs comme la fièvre
Comme l’alcool, comme le froid
Le renard amoureux du lièvre
Le vent qui se lève, la joie
Notre vie fut une jeunesse
Et bien plus d’âme et de passion
Que cett’ vioc sans dents et sans fesses :
La mode, suivie d’ tous ses mich'tons
Adieu, amis de ma jeunesse
(Ah si nous nous sommes aimés !
O frères, ô torrent d’eau claire
Sur les rochers). Mourez jamais !
…Joue plus fort, toi, le pauvre type
Le musicos’, le laborieux
Sous-payé, oui, qu’est-ce qu’on y peut
Nous les rien, nous les guitareux ?
Joue plus fort, surtout pas plus vite
La tendresse te monte aux yeux
Nous les rien, nous les guitareux
C’est nous qu’on joue l’plus près des cieux
Joue plus fort, surtout pas plus vite
T’en fais pas si ça traîne un peu
Si on est un peu long, tant mieux
Y’a qu’ l’amitié qui rend heureux