FOMBEURE, Maurice


Trouver l'âge de ce village


Autour des sentiers blancs, le sommeil de la mer,

Autour des tamaris le sommeil et l'amour,

Risque en alexandrins ces rixes, ces paresses,

Le sommeil de la mort sur la plage des jours.


Au coucher du soleil, mon village écarlate,

La mairie à la chaux puis le curé dodu,

Un jardin fou criblé d'oiseaux, de mille-pattes

Et l'église écoutant ses orgues suspendues.


Le bruit clair des lavoirs et le bruit des sources.

Sur la place, un tilleul aveugle et répandu

Un chariot que la lune attelle à la grande Ourse

Et Saint Eloi, patron des forgerons perdus.


Mon lit où la mort prend la forme du sommeil,

Disperse les songes assoupis sous mon toit,

Où je dors toujours seul et toujours avec toi

Car tu es sur ma vie comme une étoile blanche.


Au fond des prunelliers mon village éternel

Au fond de ta forêt, déchiré par l'orée

Au bas d'un doux ciel clos cravaché d'hirondelles,

Je t'aime mon village éternel, éternel,


Tes fumées tremblent dans mon coeur,

Tes volets s'ouvrent dans mes yeux ;

Je t'aime mon village innocent et joyeux

Où la vie fait un doux bruit d'ailes.



Les écoliers


Sur la route couleur de sable,

En capuchon noir et pointu,

Le 'moyen', le 'bon', le 'passable'

Vont à galoches que veux-tu

Vers leur école intarissable.


Ils ont dans leurs plumiers des gommes

Et des hannetons du matin,

Dans leurs poches du pain, des pommes,

Des billes, ô précieux butin

Gagné sur d'autres petits hommes.


Ils ont la ruse et la paresse

Mais l'innocence et la fraîcheur

Près d'eux les filles ont des tresses

Et des yeux bleus couleur de fleur,

Et des vraies fleurs pour leur maîtresse.


Puis les voilà tous à s'asseoir.

Dans l'école crépie de lune

On les enferme jusqu'au soir,

Jusqu'à ce qu'il leur pousse plume

Pour s'envoler. Après, bonsoir !


Ca vous fait des gars de la charrue

Qui fument, boivent le gros vin,

Puis des ménagères bourrues

Dosant le beurre et le levain.

Billevesées, coquecigrues,

Ils vous auront connues en vain


Dans leurs enfances disparues !



Le tortillard

…..
Au temps jadis, au clair temps des vacances,

Au temps de la fille, au temps du garçon,

Nos cœurs battaient comme gorge de bête

L'amour est là. Nul n'en a le soupçon !


Plus tard, la vie brouillera ses étoiles,

Renversera les encriers sacrés

Nous pleurerons, le nez dans nos cartables

Les rois déserts et les lauriers coupés.


De cette estampe, en dessinant mon cœur

Tremble la ligne et le soleil glacé.

Le train s'enfuit et souffle sa vapeur

Gauche et timide au fond de mon passé.

…..


Arentelles

…..
J'écoute au loin gémir les arbres;

J'écoute au loin mourir les voix

D'une enfance toute pareille

Dans une école de campagne

Où un bon vieil instituteur

A la jaquette d'alpaga

Sarclait mes désirs et mes rêves

Pour me faire pareil à lui

Océan bonhomme, bonhomme,

Océan bonhomme d'ennui.



Mon portrait


À Jacqueton.


JE suis de bois, mes mains et mon visage.

De bois je suis, oui, de dur cœur de chêne,

Œuvre gauche d'un sculpteur malhabile

Mais les forêts frémissent dans mon cœur.


Je suis léger jusqu'au bout de mes branches,

Mal équarri du torse et lourd de tronc.

Mais des oiseaux y peuplent mes dimanches,

Les vents y font virer leurs escadrons.


Arbre perdu dans les futaies humaines

Où la cognée bat parfois sourdement,

Arbre pleurant ses lyres incertaines,

Arbre immobile en la forêt dormant,


Écartelé d'incessantes tempêtes,

Indifférent au souffle chaud des bêtes,,

Aveugle et sourd aux sources dans la mousse,

Déjà prêt pour sa chute ténébreuse,

Déjà paré pour son éternité.



La main


ARAIGNÉE jouisseuse, ô main

Main qui peut tout prendre,

Main de soie, de parchemin,

Main rugueuse, dure ou tendre,


Main crispée pour la possession

Des étoiles, du vent, du monde

Ou large ouverte pour le don

D'une charité sans seconde,


Sans égale dans l'abandon.

Main flamboyante à l'horizon,

Posée sur des pays sans nom

Sur le sein des collines rondes ;


Mains étreignant la bêche à fer

La truelle ou la pelle à manche,

Sarcleuses des jardins d'enfer

Des routes roses du Dimanche,

Mains éclatées à ciel ouvert,