NOAILLES, Anna de
J’écris pour que le jour…
J’écris pour que le jour où je ne serai plus
On sache comme l’air et le plaisir m’ont plu,
Et que mon livre porte à la foule future
Comme j’aimais la vie et l’heureuse Nature.
Attentive aux travaux des champs et des maisons,
J’ai marqué chaque jour la forme des saisons,
Parce que l’eau, la terre et la montante flamme
En nul endroit ne sont si belles qu’en mon âme !
J’ai dit ce que j’ai vu et ce que j’ai senti,
D’un cœur pour qui le vrai ne fut point trop hardi,
Et j’ai eu cette ardeur, par l’amour intimée,
Pour être, après la mort, parfois encore aimée,
Et qu’un jeune homme, alors, lisant ce que j’écris,
Sentant par moi son cœur ému, troublé, surpris,
Ayant tout oublié des épouses réelles,
M’accueille dans son âme et me préfère à elles…
Le temps de vivre
Déjà la vie ardente incline vers le soir,
Respire ta jeunesse,
Le temps est court qui va de la vigne au pressoir,
De l’aube au jour qui baisse ;
Garde ton ame ouverte aux parfums d’alentours,
Aux murmures de l’onde,
Aime l’effort, l’espoir, l’orgueil, aime l’amour,
C’est la chose profonde ;
Combien s’en sont allés de tous les coeurs vivants
Au séjour solitaire
Sans avoir bu le miel ni respiré le vent
Des matins de la terre,
Combien s’en sont allés, qui, ce soir, sont pareils
Aux racines des ronces,
Et qui n’ont pas goûté la vie où le soleil
Se déploie et s’enfonce ;
Ils n’ont pas répandu les essences et l’or
Dont leurs mains étaient pleines,
Les voici maintenant dans cette ombre ou l’on dort
Sans rêve et sans haleine ;
— Toi, vis, sois innombrable à force de désirs,
De frissons et d’extase,
Penche sur les chemins où l’homme doit servir
Ton âme comme un vase,
Mêlée aux jeux des jours, presse contre ton sein
La vie âpre et farouche;
Que la joie et l’amour chante comme un essaim
D’abeilles sur ta bouche.
Et puis regarde fuir, sans regret ni tourment,
Les rives infidèles,
Ayant donné ton coeur et ton consentement
A la nuit éternelle.
Il n'est pas un instant
Il n'est pas un instant où près de toi couchée
Dans la tombe ouverte d'un lit,
Je n'évoque le jour où ton âme arrachée
Livrera ton corps à l'oubli. [...]
Quand ma main sur ton coeur pieusement écoute
S'apaiser le feu du combat,
Et que ton sang reprend paisiblement sa route,
Et que tu respires plus bas,
Quand, lassés de l'immense et mouvante folie
Qui rend les esprits dévorants,
Nous gisons, rapprochés par la langueur qui lie
Le veilleur las et le mourant,
Je songe qu'il serait juste, propice et tendre
D'expirer dans ce calme instant
Où, soi-même, on ne peut rien sentir, rien entendre
Que la paix de son coeur content.
Ainsi l'on nous mettrait ensemble dans la terre,
Où, seule, j'eus si peur d'aller ;
La tombe me serait un moins sombre mystère
Que vivre seule et t'appeler.
Et je me réjouirais d'être un repas funèbre
Et d'héberger la mort qui se nourrit de nous,
Si je sentais encor, dans ce lit des ténèbres,
L'emmêlement de nos genoux...
La nuit, lorsque je dors
La nuit, lorsque je dors et qu'un ciel inutile
Arrondit sur le monde une vaine beauté,
Quand les hautes maisons obscures de la ville
Ont la paix des tombeaux d'où le souffle est ôté,
Il n'est plus, morts dissous, d'inique différence
Entre mon front sans âme et vos corps abolis,
Et la même suprême et morne tolérance
Apparente au néant le silence des lits !
Flottais sur la terre et les eaux ; Toi qui, dans l'arbre et dans l'étang, Meus les poissons et les oiseaux.
Troubles la sève sous l'écorce, Et joins, aux heures violentes, La soumission et la force.
Mènes les cœurs phosphorescents, Amour au regard d'animal, Ô dieu des âmes et du sang.
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zweefde over land en water; Gij die, in de bomen en in de poelen,
vogels en vissen doet woelen
het sap onder de bast vertroebelt, en, gedurende de hevige uren, kracht aan onderwerping paart.
oplichtende harten meevoert, Liefde met de dierlijke blik,
O god van ziel en bloed.
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