LORANGER, Jean-Aubert


Partout, j’ai cherché l’Introuvable.

Partout, j’ai cherché l’Introuvable.

Sur des routes que trop de pas

Ont broyées jadis en poussière.

Dans une auberge où le vin rouge

Rappelait d’innombrables crimes,

Et sur les balcons du dressoir,

Les assiettes, la face pâle

Des vagabonds illuminés

Tombés là au bout de leur rêve.

A l’aurore, quand les montagnes

Se couvrent d’un châle de brume.

Au carrefour d’un vieux village

Sans amour, par un soir obscur,

Et le coeur qu’on avait cru mort

Surpris par un retour de flamme,

Un jour, au bout d’une jetée,

Après un départ, quand sont tièdes

Encor les anneaux de l’étreinte

Des câbles, et que se referme,

Sur l’affreux vide d’elle-même,

Une main cherchant à saisir

La forme enfuie d’une autre main,

Un jour, au bout d’une jetée…

Partout, j’ai cherché l’Introuvable.

Dans les grincements des express

Où les silences des arrêts

S’emplissent des noms des stations.

Dans une plaine où des étangs

S’ouvraient au ciel tels des yeux clairs.

Dans les livres qui sont des blancs

Laissés en marge de la vie,

Où des auditeurs ont inscrit,

De la conférence des choses,

De confuses annotations

Prises comme à la dérobée.

Devant ceux qui me dévisagent,

Et ceux qui me vouent de la haine,

Et dans la raison devinée

De la haine dont ils m’accablent.

Je ne savais plus, du pays,

Mériter une paix échue

Des choses simples et bien sues.

Trop de fumées ont enseigné

Au port le chemin de l’azur,

Et l’eau trépignait d’impatience

Contre les portes des écluses.

Ouvrez cette porte où je pleure.

La nuit s’infiltre dans mon âme

Où vient de s’éteindre l’espoir,

Et tant ressemble au vent ma plainte

Que les chiens n’ont pas aboyé.

Ouvrez-moi la porte, et me faites

Une aumône de la clarté

Où gît le bonheur sous vos lampes.