ELSKAMP, Max
Et je m'en reviens de mer
Et je m'en reviens de mer,
Pauvre pêcheur,
Maintenant et à l'heure
De ce dimanche,
Ainsi soit-il.
Et je m'en reviens de l'eau
Les rames haut
Sonnant comme des heures
Au beau dimanche,
Ainsi soit-il.
La voile a coulé dans l'eau,
Mon beau bateau,
Maintenant sonne l'heure
D'un beau dimanche,
Ainsi soit-il.
Or la voile, l'aient les tailleurs,
Aussi la mer,
Alors que sonne l'heure
D'un beau dimanche,
Ainsi soit-il.
Un dimanche est dans mon coeur,
Pauvre pêcheur,
Maintenant et à l'heure
De ce dimanche,
Ainsi soit-il.
Le Calvaire
Mon Dieu qui mourez à Saint-Paul,
Un peu autrement que les autres,
Dans ma rue froide comme un pôle
Entouré d’anges et d’apôtres ;
Mon Dieu qui mourez à Saint-Paul,
Tout blanc des pieds, tout blanc des mains,
Pour ceux du quai, pour ceux du môle,
Sous des bougies dans un jardin,
Mon Dieu des pêcheurs, des marins,
Et mien jadis en mes croyances,
C’est vous là-bas dans les lointains
Des matins bleus de mon enfance
Mon Dieu qui les avez connus
Tous ceux d’ici qui ont passé
Dans ma rue et nus ou vêtus
Et puis plus loin s’en sont allés.
…..
Mon Dieu des nuits et des matins,
Ici dans le temps comme il vient,
Et que l’on voit d’hiver, d’été,
Blanc et dans l’ombre en long couché,
Derrière une grille dressée,
Les yeux fermés, au flanc la plaie,
Avec des anges à vos pieds
Leurs ailes sur le dos croisées,
Et que les femmes des marins
Implorent pour ceux dont la vie
Est d’aller sur la mer au loin
Voiles tendues, aux pêcheries
Et dans la pluie et dans le vent,
Chercher le pain cher qu’on leur vend ;
Puis Madeleines repenties
Et le jour du vendredi-saint
Qui viennent toucher de leur sein
La grille chargée de bougies,
Devant laquelle vous dormez
Saignant du front, des mains, des pieds,
Pour trouver pardon de leur vie,
Dans le remords qui les étreint ;
Mon Dieu des soirs et des matins
Ici dans le temps comme il vient,
C’est femmes en peine et qui prient
Sombrées comme nefs corps et biens.
.…..
Mon Dieu aux jours de mon enfance
Où si près de vous j’ai dormi,
En ma maison, dans le silence
Où je vous évoquais la nuit,
Mon Dieu, là-bas, dans mon jardin,
Triste ainsi qu’ils sont dans les villes,
Et qu’au temps où vivaient les miens
Seul un mur et couvert de tuiles,
Me séparait, dit en ses pierres,
De votre présence réelle
Toute proche là au calvaire
Où vos anges croisaient leurs ailes ;
Mon Dieu alors aux nuits d’hiver
Lorsque le vent du Nord montait,
Criant comme à la mort dans l’air,
Et que tous les carreaux tremblaient
Et qu’au fleuve à la marée pleine,
Pour au bord des quais trouver place,
Vrombissait la voix des sirènes
Des vapeurs qui cherchaient la passe,
Mon Dieu, mon cœur d’enfant inquiet,
Alors de vous savoir tout proche,
Couché en long là, dans les roches,
S’allait vers vous et trouvait paix.
…..
Mon Dieu j’avais trop espéré
Des matins qui m’avaient souri,
Et je me suis ainsi trompé
Sur la voie loin que j’ai suivie,
Et tout est mort ou s’en est allé
De ce que jadis j’ai aimé ;
Et maintenant voici le soir
Et mon heure qui va sonner,
Et mon âme qui va entrer
Là-bas où la nuit se fait noire,
Mon Dieu mien, de la rue Saint-Paul,
Donnez-moi vous en long couché,
Là-bas au calvaire du môle
Comme aux marins que vous aimez,
Le sommeil doux qu’après la vie
J’ai de tous les temps espéré.